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La piété, qui naît de la filiation divine, est une démarche profonde de l’âme, qui finit par transformer l’existence tout entière ; elle imprègne toutes les pensées, tous les désirs, tous les élans du cœur. N’avez-vous pas remarqué comment, dans les familles, les enfants, sans même s’en rendre compte, imitent leurs parents ; ils refont leurs gestes, prennent leurs habitudes, s’identifient avec eux en beaucoup de leurs attitudes.

Il en va de même dans la conduite d’un bon fils de Dieu. L’on parvient ainsi, sans trop savoir comment, ni par quelle voie, à cette divinisation merveilleuse qui nous aide à envisager les événements avec le relief surnaturel que procure la foi ; on se met à aimer tous les hommes comme notre Père du Ciel les aime lui-même et, ce qui est plus déterminant, on en tire un nouvel élan dans l’effort quotidien pour s’approcher du Seigneur. J’insiste : nos misères n’ont plus d’importance, car les bras aimants de Notre Père sont là pour nous relever.

Notez la différence qu’il y a entre la chute d’un enfant et celle d’un adulte. Pour les enfants une chute n’a guère d’importance : ils trébuchent si souvent ! Et s’ils laissent couler de chaudes larmes, leur père leur explique : les hommes ne pleurent pas. Et l’incident est clos par l’effort que le gamin met à contenter son père.

Voyez, en revanche, ce qui se passe lorsqu’un adulte perd l’équilibre et se retrouve par terre. On serait pris d’un fou rire si la compassion ne nous retenait pas. Sans compter que la chute peut avoir des conséquences graves ; elle peut même provoquer une fracture irréparable chez un vieillard. Dans la vie intérieure nous avons intérêt à être tous quasi modo geniti infantes, tels des bambins, que l’on croirait de caoutchouc ; ils s’amusent, même quand ils trébuchent, car ils se relèvent aussitôt pour reprendre leurs pirouettes. Ils savent aussi qu’en cas de besoin leurs parents les consoleront.

Si nous essayons de nous comporter comme eux, nos faux-pas et nos échecs dans la vie intérieure, d’ailleurs inévitables, ne nous rendront jamais amers. Nous en serons peinés, certes, mais non découragés ; un sourire naîtra sur nos lèvres, comme l’eau pure de la source, quand nous nous souviendrons que nous sommes les enfants de cet Amour, de cette grandeur, de cette sagesse infinie, de cette miséricorde qu’est notre Père. J’ai appris, tout au long d’une vie au service du Seigneur, à devenir un tout petit enfant de Dieu. Et c’est ce que je vous demande. Soyez quasi modo geniti infantes, comme des enfants qui réclament la parole de Dieu, le pain de Dieu, l’aliment de Dieu, la force de Dieu, pour nous conduire dorénavant comme des chrétiens dignes de ce nom.

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