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4 points de « Quand le Christ passe » sont liés au thème "Chrétiens courants ".

C’est dans ce climat de miséricorde de Dieu que se déroule l’existence du chrétien. C’est dans ce cadre que se situent ses efforts pour se comporter en fils du Père. Et quels sont les principaux moyens qui permettent à la vocation de s’affermir ? Je t’en signalerai aujourd’hui deux, qui sont comme les axes vivants de la conduite chrétienne : vie intérieure et formation doctrinale — connaissance profonde de notre foi.

Vie intérieure, tout d’abord : bien peu comprennent encore ce mot. Quand on entend parler de vie intérieure, on pense à l’obscurité du temple, quand ce n’est pas à l’atmosphère raréfiée de certaines sacristies. Depuis plus d’un quart de siècle, je dis que ce n’est pas cela. Je parle de la vie intérieure des chrétiens courants, que l’on rencontre habituellement en pleine rue, à l’air libre, et qui, dans la rue, à leur travail, dans leur famille, dans leurs moments de loisir demeurent, tout au long du jour, attentifs à Jésus-Christ. Qu’est-ce que cela, sinon une continuelle vie de prière ? N’as-tu pas compris qu’il te fallait être une âme de prière, grâce à un dialogue avec Dieu qui finit par t’assimiler à lui ? Voilà la foi chrétienne telle que les âmes de prière l’ont toujours comprise : devient Dieu celui qui veut les mêmes choses que Dieu.

Au début, cela te coûtera : il faut faire un effort pour se tourner vers le Seigneur, pour Le remercier de sa tendresse paternelle de chaque instant, envers nous. Mais, peu à peu, l’amour de Dieu devient sensible bien que ce ne soit pas une question de sentiment comme une empreinte dans notre âme. C’est le Christ qui nous poursuit amoureusement : voici que je suis à ta porte, et que je t’appelle. Comment va ta vie de prière ? N’éprouves-tu pas le besoin, pendant la journée de parler plus calmement avec lui ? Ne lui dis-tu pas : tout à l’heure je Te raconterai, tout à l’heure je parlerai de cela avec Toi ?

Dans les moments que nous consacrons spécialement à ce dialogue avec le Seigneur, notre cœur s’élargit, notre volonté s’affermit, notre intelligence, aidée par la grâce, imprègne de réalités surnaturelles les réalités humaines. Tu en tireras toujours des résolutions claires, pratiques, pour améliorer ta conduite et faire preuve envers tous les hommes d’une délicatesse pleine de charité, et te consacrer à fond, avec la ténacité des bons sportifs, à cette lutte chrétienne faite d’amour et de paix.

La prière devient constante, comme le battement du cœur, ou celui du pouls. Il n’y a pas de vie contemplative sans cette présence de Dieu et, sans vie contemplative, il ne sert pas à grand-chose de travailler pour le Christ, car les efforts de ceux qui construisent sont vains si Dieu ne soutient la maison.

Le sel de la mortification

Instaurare omnia in Christo, telle est la devise que saint Paul donne aux chrétiens d’Éphèse ; ordonner toutes choses selon l’esprit de Jésus, placer le Christ au sein même de toutes choses. Si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tout à moi. Le Christ, par son incarnation, par sa vie de travail à Nazareth, par sa prédication et ses miracles dans les terres de Judée et de Galilée, par sa mort sur la Croix, par sa résurrection, est le centre de la création, l’Aîné et le Seigneur de toute créature.

Notre mission de chrétiens est de proclamer cette Royauté du Christ, de l’annoncer par nos paroles et par nos œuvres. Le Seigneur veut que les siens soient présents à tous les carrefours de la terre. Il en appelle certains au désert afin que, se désintéressant des péripéties de la société des hommes, ils témoignent aux autres que Dieu existe. A d’autres, il confie le ministère sacerdotal. Mais il veut que le plus grand nombre des siens reste au milieu du monde, dans les occupations terrestres. Par conséquent, ces chrétiens-là doivent porter le Christ dans tous les milieux où s’accomplissent les tâches humaines : à l’usine, au laboratoire, dans les champs, dans l’atelier de l’artisan, dans les rues de la grande ville et sur les sentiers des montagnes.

J’aime évoquer à ce propos la conversation du Christ avec les disciples d’Emmaüs. Jésus chemine aux côtés de ces deux hommes qui ont presque perdu tout espoir, de sorte que la vie commence à n’avoir plus de sens pour eux. Il comprend leur douleur, pénètre dans leur cœur, leur inculque un peu de la vie qu’il porte en lui.

Quand, arrivant au village, Jésus fait mine de poursuivre son chemin, les deux disciples Le retiennent et Le forcent presque à rester près d’eux. Ils le reconnaissent ensuite, lorsqu’il rompt le pain : le Seigneur était avec nous s’écrient-ils. Et ils se dirent l’un à l’autre : “Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin et qu’il nous expliquait les Écritures ?”. Chaque chrétien doit permettre au Christ d’être présent parmi les hommes ; il doit se comporter de telle manière que ceux qui le fréquentent perçoivent le bonus odor Christi, la bonne odeur du Christ ; il doit agir de sorte qu’on puisse découvrir le visage du Maître à travers les actions du disciple.

Saint Jean nous rapporte, dans son Évangile, une merveilleuse expression de la Vierge, au cours d’une scène que nous avons déjà évoquée, les noces de Cana. L’évangéliste nous raconte qu’en s’adressant aux serviteurs, Marie leur recommanda : Tout ce qu’il vous dira, faites-le. C’est bien de cela qu’il s’agit : amener les âmes à rencontrer Jésus face à face et à lui demander : Domine, quid me vis facere ?, Seigneur, que veux-tu que je fasse ?

L’apostolat chrétien — et je me réfère ici, concrètement, à celui d’un chrétien courant, à celui d’un homme ou d’une femme qui vit sans être rien de plus que ses semblables — est une grande catéchèse où, grâce aux rapports personnels et à une amitié loyale et authentique, on éveille chez les autres la faim de Dieu, et où on les aide à découvrir de nouveaux horizons ; avec naturel, avec simplicité, vous ai-je dit, par l’exemple d’une foi vécue à fond, par la parole aimable mais toute pleine de la force de la vérité divine.

Vous pouvez compter sur l’aide de Marie, Regina apostolorum. Notre Dame, sans cesser pour autant de se comporter comme une Mère, sait placer ses enfants devant leurs responsabilités précises. Ceux qui s’approchent d’elle et contemplent sa vie, Marie accepte toujours de les mener à la Croix, de leur faire contempler face à face l’exemple du Fils de Dieu. Et dans ce face à face où se décide la vie chrétienne, Marie intercède pour que notre conduite aboutisse à la réconciliation du petit frère — toi et moi — avec le Fils Premier-né du Père.

Nombre de conversions, nombre de décisions de se donner tout entier au service de Dieu ont été précédées d’une rencontre avec Marie. Notre Dame a suscité dans ces âmes un désir de dépassement et elle a stimulé maternellement cette inquiétude ; c’est elle qui les a fait aspirer à un changement, à une vie nouvelle. Voilà comment ce “tout ce qu’il vous dira, faites-le”, devient réalité : don amoureux, vocation chrétienne qui illumine dès lors toute notre vie personnelle.

Ce moment de conversation devant le Seigneur, où nous avons médité sur la dévotion et l’affection envers sa Mère, qui est aussi la nôtre, nous pouvons le conclure en ravivant notre foi. Le mois de mai vient de commencer. Le Seigneur désire que nous ne manquions pas cette occasion de croître en son Amour grâce à cette intimité avec sa Mère. Sachons avoir chaque jour à son égard des attentions d’enfants — petites choses, manifestations de délicatesse — qui deviendront de grandes réalités, en fait, de sainteté personnelle et d’apostolat, c’est-à-dire le désir ardent de contribuer sans relâche au salut que le Christ est venu apporter au monde.

Sancta Maria, spes nostra, ancilla Domini, sedes Sapientiæ, ora pro nobis !, Sainte Marie, notre espérance, servante du Seigneur, siège de la sagesse, priez pour nous !

Le Seigneur vous a sans doute déjà accordé de découvrir d’autres aspects de cette réponse fidèle de la Très Sainte Vierge ; aspects qui se présentent spontanément et nous invitent à la prendre pour modèle : sa pureté, son humilité, sa force de caractère, sa générosité, sa fidélité… Je voudrais vous parler de l’un d’entre eux, qui les comprend tous, car il est la condition du progrès spirituel : la vie de prière.

Si nous voulons profiter des grâces que notre Mère attire sur nous aujourd’hui, et suivre à tout moment les inspirations de l’Esprit Saint, pasteur de nos âmes, nous devons nous attacher sérieusement à développer notre vie d’intimité avec Dieu. Nous ne pouvons pas nous dissimuler sous l’anonymat ; si la vie intérieure n’est pas une rencontre personnelle avec Dieu, elle n’existe pas. La superficialité n’est pas chrétienne. Admettre la routine, dans la lutte ascétique, équivaut à signer l’acte de décès de l’âme contemplative. Dieu nous recherche un par un et nous devons lui répondre, un par un : me voici, Seigneur, puisque tu m’as appelé.

Prier, nous le savons tous, c’est parler avec Dieu ; mais de quoi, demandera-t-on peut-être, de quoi donc, si ce n’est des choses de Dieu et de celles qui remplissent notre journée ? De la naissance de Jésus, de son chemin sur cette terre, de sa vie cachée et de sa prédication, de ses miracles, de sa Passion Rédemptrice, de sa Croix et de sa Résurrection. Puis, en présence du Dieu unique en trois Personnes, avec la médiation de sainte Marie et l’intercession de saint Joseph, Notre Père et Seigneur — que j’aime et que je vénère tant —, nous parlerons de notre travail de tous les jours, de notre famille, de nos amis, de nos grands projets et de nos petites misères.

Le thème de ma prière, c’est ma vie. C’est ainsi que je procède et, lorsque je considère ma situation, une résolution surgit tout naturellement, ferme et décidée : celle de changer, de devenir meilleur et d’être plus docile à l’amour de Dieu. Une résolution sincère, concrète, et qui s’accompagnera toujours d’une demande pressante, mais pleine de confiance, à l’Esprit Saint, pour qu’il ne nous abandonne pas, car tu es, Seigneur, ma citadelle.

Nous sommes des chrétiens ordinaires, nous exerçons les professions les plus variées ; nos activités empruntent des voies ordinaires ; tout se déroule selon un rythme prévisible. Nos journées semblent toutes pareilles, presque monotones… C’est vrai, mais cette vie, qui paraît si commune, a une valeur divine ; elle intéresse Dieu, car le Christ veut s’incarner dans nos occupations, et animer jusqu’aux plus humbles de nos actions.

C’est là une réalité surnaturelle, nette et sans équivoque ; ce n’est pas une simple considération destinée à consoler, à réconforter ceux qui n’arriveront pas à inscrire leurs noms dans le livre d’or de l’histoire. Le Christ s’intéresse à ce travail que nous devons réaliser — mille et mille fois — au bureau, à l’usine, à l’atelier, à l’école, aux champs, lorsque nous exerçons un métier manuel ou intellectuel. Le Christ s’intéresse aussi à ce sacrifice caché qui consiste à ne pas déverser sur les autres le fiel de notre mauvaise humeur.

Pensez à cela dans la prière. Profitez-en pour dire à Jésus que vous l’adorez, et c’est alors que vous serez pleinement contemplatifs au milieu du monde, parmi les bruits de la rue : partout. Voilà la première leçon que nous pouvons tirer de notre commerce intime avec Jésus-Christ Cette leçon, c’est Marie qui saura le mieux nous l’enseigner, car la sainte Vierge a toujours conservé cette attitude de foi, de vision surnaturelle à l’égard de tout ce qui survenait autour d’elle : elle gardait fidèlement tous ces souvenirs en son cœur.

Supplions aujourd’hui sainte Marie de nous rendre contemplatifs, de nous apprendre à bien comprendre les appels incessants que le Seigneur renouvelle à la porte de notre cœur. Prions-la : Mère, tu nous as amené Jésus sur cette terre, lui qui nous révèle l’amour de Dieu notre Père ; aide-nous à Le découvrir, au milieu des multiples occupations de chaque jour ; apprends à notre intelligence et à notre volonté à écouter la voix de Dieu et les appels de la grâce.

Educatrice d’apôtres