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4 points de « Quand le Christ passe » sont liés à la thématique Joie → optimisme et espérance.

La fête de l’Ascension du Seigneur nous suggère aussi une autre réalité : ce Christ, qui nous pousse à entreprendre cette tâche dans le monde, nous attend au ciel. En d’autres termes, cette vie terrestre, que nous aimons, n’est pas définitive ; car nous n’avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle de l’avenir, la cité immuable.

Mais prenons garde de ne pas interpréter la Parole de Dieu en l’enfermant dans l’étroitesse de nos horizons. Le Seigneur ne nous demande pas d’être malheureux lors de notre chemin sur terre, et de n’attendre notre consolation que de l’au-delà. Dieu nous veut heureux ici-bas, mais dans l’attente impatiente de l’accomplissement définitif de cet autre bonheur que lui seul peut nous donner entièrement.

Sur cette terre, la contemplation des réalités surnaturelles, l’action de la grâce dans nos âmes, l’amour du prochain, fruit savoureux de l’amour de Dieu, supposent déjà une anticipation du ciel, le début de quelque chose qui doit croître de jour en jour. Nous autres, chrétiens, nous ne saurions tolérer en nous la double vie. Nous maintenons dans notre vie une unité simple et forte, dans laquelle se fondent et se mêlent toutes nos actions.

Le Christ nous attend. Nous vivons déjà comme des citoyens du ciel, tout en étant pleinement citoyens de la terre, au milieu des difficultés, des injustices et des incompréhensions, mais aussi avec la joie et dans la sérénité de qui se sait l’enfant bien-aimé de Dieu. Persévérons au service de notre Dieu et nous verrons augmenter en nombre et en sainteté cette armée chrétienne de paix, ce peuple de corédempteurs. Soyons des âmes contemplatives, à tout moment en dialogue constant avec le Seigneur : de la première pensée de la journée à la dernière, dirigeant sans cesse notre cœur vers Jésus-Christ Notre Seigneur, auquel nous parvenons par notre Mère Sainte Marie, et, par lui, au Père et à l’Esprit Saint.

Si, malgré tout, l’Ascension de Jésus au ciel nous laisse dans l’âme un arrière-goût d’amertume et de tristesse, accourons à sa Mère, comme le firent les apôtres : ils retournèrent alors à Jérusalem… et ils priaient d’un seul cœur… avec Marie, Mère de Jésus.

Peut-être pouvons-nous parfois être tentés de penser que tout cela est aussi beau qu’un rêve irréalisable. Je vous ai parlé de renouveler votre foi et votre espérance ; demeurez fermes, pleinement assurés que nos désirs seront comblés par les merveilles de Dieu. Mais il est indispensable que nous nous amarrions réellement à la vertu chrétienne de l’espérance.

Ne nous habituons pas aux miracles qui se réalisent devant nous : ce prodige admirable du Seigneur qui descend chaque jour dans les mains du prêtre. Jésus veut que nous soyons en éveil pour que nous nous convainquions de la grandeur de sa puissance, et pour que nous entendions de nouveau sa promesse : Venite post me, et faciam vos fieri piscatores hominum, si vous me suivez, je vous ferai pêcheurs d’hommes, vous serez efficaces et vous attirerez les âmes à Dieu. Nous devons donc avoir confiance en ces paroles du Seigneur, monter dans la barque, saisir les rames, hisser les voiles et nous lancer dans cette mer du monde que le Christ nous remet en héritage. Duc in altum et laxate retia vestra in capturam ! : naviguez vers le large, et jetez vos filets pour pêcher.

Ce zèle apostolique que le Christ a mis dans notre cœur ne doit pas s’épuiser — s’éteindre — sous l’effet d’une fausse humilité. S’il est vrai que nous traînons nos misères personnelles, il n’est pas moins vrai que le Seigneur tient compte de nos erreurs. Le fait que les hommes soient des créatures, avec des limites, des faiblesses, des imperfections et l’inclination au péché, n’échappe pas à son regard miséricordieux. Mais il nous ordonne de lutter, de reconnaître nos défauts ; non pour nous en effrayer, mais pour nous repentir et susciter en nous le désir d’être meilleurs.

Nous devons en outre nous rappeler toujours que nous ne sommes que des instruments. Qu’est-ce donc qu’Apollos ? Et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs par qui vous avez embrassé la foi, et chacun d’eux pour la part que le Seigneur lui a donnée. Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance. La doctrine, le message que nous devons répandre, a en lui-même une fécondité infinie, qui ne vient pas de nous, mais du Christ. C’est Dieu lui-même qui s’est engagé à réaliser l’œuvre du salut, à racheter le monde.

Ayons donc foi, sans nous laisser dominer par le découragement, sans nous arrêter à des calculs purement humains. Pour surmonter les obstacles, il nous faut commencer à travailler, en nous mettant à l’ouvrage à fond, afin que notre effort lui-même nous amène à ouvrir de nouveaux sentiers. Le remède à toutes les difficultés consiste à se sanctifier soi-même et à s’en remettre au Seigneur.

Être saints, c’est vivre comme notre Père du ciel a prévu que nous vivions. Vous me direz que c’est difficile. C’est vrai, l’idéal est très élevé. Mais il est en même temps facile, à portée de la main. Quand une personne tombe malade, il arrive parfois que l’on ne parvienne pas à trouver le remède. Il n’en va pas de même dans le domaine du surnaturel. Le remède est toujours là : c’est Jésus-Christ présent dans la sainte Eucharistie, et qui, de plus, nous donne sa grâce dans les autres sacrements qu’il a institués.

Répétons, en paroles et en actes : Seigneur, j’ai confiance en Toi ; ta providence ordinaire, ton aide de chaque jour me suffisent. Nous n’avons pas de raison de demander à Dieu de grands miracles. Nous devons en revanche le supplier d’augmenter notre foi, d’éclairer notre intelligence, de fortifier notre volonté. Jésus reste toujours à nos côtés, et il se comporte toujours tel qu’il est.

Depuis le début de cette homélie je vous ai mis en garde contre une fausse divinisation. Ne te trouble pas si tu te découvres tel que tu es : fait de boue. Ne t’inquiète pas. Parce que, toi et moi, nous sommes enfants de Dieu — voilà la bonne divinisation choisis de toute éternité en vertu d’un appel divin : Le Père nous a élus en Jésus-Christ, dès avant la création du monde pour être saints et immaculés en sa présence. Nous qui sommes plus particulièrement de Dieu, qui sommes ses instruments malgré notre pauvre misère personnelle, nous serons efficaces si nous ne perdons pas de vue notre faiblesse. Les tentations nous donnent la mesure de notre faiblesse personnelle.

Si vous vous sentez abattus lorsque vous touchez du doigt, peut-être d’une façon particulièrement vive, votre petitesse, c’est le moment de vous abandonner pleinement, avec docilité, dans les mains de Dieu. On raconte qu’un jour un mendiant vint à la rencontre d’Alexandre le Grand et lui demanda l’aumône. Alexandre s’arrêta et ordonna de le faire seigneur de cinq villes. Le pauvre, confus et abasourdi, s’exclama : “je n’en demandais pas tant !” Et Alexandre de lui répondre : “Tu as demandé selon ce que tu es, moi je te donne selon ce que je suis.”

Même dans les moments où nous ressentons plus profondément nos limites, nous pouvons et nous devons tourner nos regards vers Dieu le Père, vers Dieu le Fils et vers Dieu le Saint-Esprit, en nous rappelant que nous participons à la vie divine. Il n’y a jamais de raison suffisante pour regarder en arrière : le Seigneur est à nos côtés. Nous devons être fidèles, loyaux, faire face à nos obligations, trouvant en Jésus l’amour et le stimulant qui nous feront comprendre les erreurs d’autrui et surmonter nos erreurs personnelles. Alors toutes ces chutes, les tiennes, les miennes, celles de tous les hommes, serviront, elles aussi, de fondement au Royaume du Christ.

Reconnaissons nos maladies, mais affirmons aussi le pouvoir de Dieu. L’optimisme, la joie, la ferme conviction que le Seigneur veut se servir de nous, doivent animer notre vie chrétienne. Si nous nous considérons comme faisant partie de la Sainte Église, si nous nous sentons soutenus par le rocher inébranlable de Pierre et par l’action du Saint-Esprit, alors nous nous déciderons à accomplir notre petit devoir de chaque instant : semer chaque jour un peu. Et la récolte débordera des greniers.

Revenons de nouveau au sujet que l’Église nous propose : Marie a été élevée au Ciel, corps et âme. Les anges exultent d’allégresse ! je pense aussi à la joie de saint Joseph, son très chaste Époux, qui l’attendait au Paradis. Mais revenons sur terre. La foi nous confirme qu’ici-bas, en cette vie, nous sommes en pèlerinage, en voyage, et que les sacrifices, la douleur et les privations ne nous manqueront pas. Mais la joie doit être toujours en contrepoint de notre chemin.

Servez le Seigneur dans la joie. Il n’existe pas d’autre manière de le servir. Dieu aime celui qui donne avec joie, celui qui se donne tout entier, dans un sacrifice joyeusement consenti, parce qu’il n’y a aucune raison pour être triste.

Vous allez penser, peut-être, que cet optimisme est excessif, car tous les hommes font l’expérience de leurs insuffisances et de leurs échecs ; tous éprouvent la souffrance, la fatigue, l’ingratitude, la haine peut-être. Si nous, les chrétiens, nous sommes des hommes comme les autres, comment pourrions-nous échapper à ces traits constants de la nature humaine ?

Ce serait naïveté que de nier la présence continuelle de la douleur, du découragement, de la tristesse et de la solitude sur cette terre qui est la nôtre. Mais la foi nous a appris avec certitude que tout cela n’est pas le produit du hasard, que le destin de la créature n’est pas d’aller à l’anéantissement de ses désirs de bonheur. La foi nous apprend que tout a un sens divin, car tout relève de l’appel qui nous conduit vers la demeure du Père. Cette manière d’entendre surnaturellement l’existence terrestre du chrétien ne simplifie pas la complexité humaine ; mais elle assure à l’homme que cette complexité peut être traversée par le nerf de l’amour de Dieu, par ce câble, robuste et indestructible, qui relie notre vie sur terre à la vie définitive dans la Patrie.

La fête de l’Assomption de Notre Dame nous fait toucher du doigt cette joyeuse espérance. Nous sommes encore pèlerins, mais Notre Mère nous a précédés et nous montre déjà la fin du chemin : elle nous répète qu’il est possible d’y parvenir et que, si nous sommes fidèles, nous y parviendrons. Car la Très Sainte Vierge n’est pas seulement un exemple pour nous, elle est aussi le secours des chrétiens. Et devant notre requête — Monstra te esse Matrem — elle ne sait ni ne veut refuser à ses enfants les soins de sa maternelle sollicitude.