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7 points de « Quand le Christ passe » sont liés à la thématique Vocation chrétienne  → moyens pour persévérer .

C’est dans ce climat de miséricorde de Dieu que se déroule l’existence du chrétien. C’est dans ce cadre que se situent ses efforts pour se comporter en fils du Père. Et quels sont les principaux moyens qui permettent à la vocation de s’affermir ? Je t’en signalerai aujourd’hui deux, qui sont comme les axes vivants de la conduite chrétienne : vie intérieure et formation doctrinale — connaissance profonde de notre foi.

Vie intérieure, tout d’abord : bien peu comprennent encore ce mot. Quand on entend parler de vie intérieure, on pense à l’obscurité du temple, quand ce n’est pas à l’atmosphère raréfiée de certaines sacristies. Depuis plus d’un quart de siècle, je dis que ce n’est pas cela. Je parle de la vie intérieure des chrétiens courants, que l’on rencontre habituellement en pleine rue, à l’air libre, et qui, dans la rue, à leur travail, dans leur famille, dans leurs moments de loisir demeurent, tout au long du jour, attentifs à Jésus-Christ. Qu’est-ce que cela, sinon une continuelle vie de prière ? N’as-tu pas compris qu’il te fallait être une âme de prière, grâce à un dialogue avec Dieu qui finit par t’assimiler à lui ? Voilà la foi chrétienne telle que les âmes de prière l’ont toujours comprise : devient Dieu celui qui veut les mêmes choses que Dieu.

Au début, cela te coûtera : il faut faire un effort pour se tourner vers le Seigneur, pour Le remercier de sa tendresse paternelle de chaque instant, envers nous. Mais, peu à peu, l’amour de Dieu devient sensible bien que ce ne soit pas une question de sentiment comme une empreinte dans notre âme. C’est le Christ qui nous poursuit amoureusement : voici que je suis à ta porte, et que je t’appelle. Comment va ta vie de prière ? N’éprouves-tu pas le besoin, pendant la journée de parler plus calmement avec lui ? Ne lui dis-tu pas : tout à l’heure je Te raconterai, tout à l’heure je parlerai de cela avec Toi ?

Dans les moments que nous consacrons spécialement à ce dialogue avec le Seigneur, notre cœur s’élargit, notre volonté s’affermit, notre intelligence, aidée par la grâce, imprègne de réalités surnaturelles les réalités humaines. Tu en tireras toujours des résolutions claires, pratiques, pour améliorer ta conduite et faire preuve envers tous les hommes d’une délicatesse pleine de charité, et te consacrer à fond, avec la ténacité des bons sportifs, à cette lutte chrétienne faite d’amour et de paix.

La prière devient constante, comme le battement du cœur, ou celui du pouls. Il n’y a pas de vie contemplative sans cette présence de Dieu et, sans vie contemplative, il ne sert pas à grand-chose de travailler pour le Christ, car les efforts de ceux qui construisent sont vains si Dieu ne soutient la maison.

Le sel de la mortification

Le chrétien ordinaire — qui n’est pas un religieux et qui ne se retire pas du monde, parce que le monde est le lieu de sa rencontre avec le Christ — n’a pas besoin pour se sanctifier d’un vêtement particulier ou de signes distinctifs. Ses signes sont intérieurs : présence constante de Dieu et esprit de mortification. En réalité ils ne font qu’un, car la mortification n’est rien d’autre que la prière des sens.

La vocation chrétienne est faite de sacrifice, de pénitence et d’expiation. Nous devons réparer pour nos fautes — combien de fois n’avons nous pas détourné notre visage pour ne pas voir Dieu ? — et pour tous les péchés des hommes. Nous devons suivre de près les traces du Christ : nous portons toujours en nous la mortification, l’abnégation du Christ, son humiliation sur la Croix, pour que, dans nos cœurs aussi, se manifeste la vie de Jésus.

Notre chemin est celui de l’immolation et c’est dans ce renoncement que nous trouverons le gaudium cum pace, la joie et la paix.

Ne jetons pas sur le monde un regard de tristesse. Ces hagiographes qui voulaient, coûte que coûte, découvrir des traits extraordinaires chez les serviteurs de Dieu, et ce dès leurs premiers vagissements, ont rendu, sans le vouloir, un mauvais service à la catéchèse. Et ils racontent que certains d’entre eux, encore nourrissons, ne pleuraient pas, et que, par mortification, ils ne tétaient pas le vendredi… Toi et moi sommes nés en pleurant, comme Dieu l’a établi ; et nous sucions le sein de notre mère sans nous soucier du Carême ni des Quatre-Temps.

Maintenant, avec l’aide de Dieu, nous avons appris à découvrir, tout au long de journées apparemment toujours semblables, un spatium veræ pœnitentiæ, un temps de véritable pénitence, au cours duquel nous prenons des résolutions d’améliorer notre vie : emendatio vitæ. C’est là le chemin qui nous disposera à recevoir dans notre âme la grâce et les inspirations du Saint-Esprit. Or cette grâce, je le répète, s’accompagne du gaudium cum pace, de la joie, de la paix et de la persévérance dans le chemin.

La mortification est le sel de notre vie. Et la meilleure des mortifications est celle qui, s’appuyant sur des petits détails tout au long de la journée, s’attaque à la concupiscence de la chair, à la concupiscence des yeux et à l’orgueil. Mortifications qui ne mortifient pas les autres, mais qui nous rendent plus délicats, plus compréhensifs, plus ouverts à tous. Tu ne seras pas mortifié si tu es susceptible, si tu n’écoutes que ton égoïsme, si tu t’imposes aux autres, si tu ne sais pas te priver du superflu et parfois même du nécessaire, si tu t’attristes quand les choses ne vont pas comme tu l’avais prévu ; en revanche, tu es mortifié si tu sais te faire tout à tous, pour les gagner tous.

La foi et l’intelligence

Une vie de prière et de pénitence et la considération de notre filiation divine font de nous des chrétiens profondément pieux, semblables à des petits enfants devant Dieu. La piété est la vertu des enfants et, pour qu’un enfant puisse se confier aux bras de son père, il doit être et se sentir petit, dépendant. J’ai souvent médité cette vie d’enfance spirituelle ; elle n’est pas incompatible avec la force d’âme, car elle exige une volonté rigoureuse, une maturité confirmée, un caractère ferme et ouvert.

Soyons donc pieux comme des enfants, mais pas ignorants. Chacun de nous doit s’efforcer, dans la mesure de ses moyens, d’approfondir sa foi avec sérieux et avec une rigueur scientifique : c’est cela la théologie. Nous devons allier une piété d’enfants à une doctrine sûre de théologiens.

Notre zèle pour acquérir cette science théologique, la bonne et solide doctrine chrétienne, vient d’abord du désir de connaître et d’aimer Dieu, et ensuite de la préoccupation de toute âme fidèle d’atteindre la signification la plus profonde de ce monde, qui est œuvre de Dieu. Périodiquement, certains tentent, de façon monotone, de ressusciter une soi-disant incompatibilité entre la foi et la science, entre l’intelligence humaine et la Révélation divine. Cette incompatibilité ne peut être qu’apparente, et elle s’explique par une connaissance incomplète des données réelles du problème.

Puisque le monde est sorti des mains de Dieu, puisque Dieu a créé l’homme à son image et à sa ressemblance et qu’il lui a donné une étincelle de sa lumière, notre intelligence doit s’attacher, fût-ce au prix d’un rude effort, à dégager le sens divin qui réside naturellement en toute chose et, à la lumière de la foi, à en percevoir aussi le sens surnaturel, celui qui résulte de notre élévation à l’ordre de la grâce. Nous n’avons pas à avoir peur de la science, car tout travail, s’il est véritablement scientifique, tend vers la vérité. Et Jésus a dit : Ego sum veritas : je suis la vérité.

Le chrétien doit avoir soif de savoir. Maniement des sciences les plus abstraites ou habileté technique, tout peut et doit conduire à Dieu. Car il n’est pas de tâche humaine qui ne soit sanctifiable, qui ne soit une occasion de se sanctifier personnellement et de collaborer, avec Dieu, à la sanctification de tous ceux qui nous entourent. Ce n’est pas au fond d’une vallée mais au sommet de la montagne que doit briller la lumière de ceux qui suivent Jésus-Christ : pour que l’on voie vos bonnes œuvres et que l’on glorifie votre Père qui estdans les cieux.

Travailler ainsi, c’est prier. Etudier ainsi, c’est prier. Faire ainsi de la recherche, c’est prier ; nous n’en sortons jamais ; tout est prière, tout peut et doit nous mener à Dieu, nourrir ce dialogue continuel avec lui, du matin au soir. Tout travail digne peut être prière ; et tout travail qui est prière est apostolat. C’est ainsi que l’âme s’affermit, dans une unité de vie simple et solide.

L’espérance de l’Avent

La vocation vient en premier lieu. C’est l’étoile qui a commencé à luire pour nous orienter sur notre chemin d’amour de Dieu. Il ne serait donc pas logique de douter si, parfois, à certains moments de notre vie intérieure, presque toujours par notre faute, il arrivait, comme dans le voyage des Mages, que l’Etoile disparaisse. Alors que nous connaissons déjà la splendeur divine de notre vocation et que nous sommes persuadés de son caractère définitif, il se peut que la poussière que nous soulevons en marchant — nos misères — forme un nuage opaque, qui empêche le passage de la lumière.

Que faire alors ? Suivre les pas de ces hommes saints : demander. Hérode se servit de la science pour se comporter injustement ; les Rois Mages l’utilisèrent pour faire le bien. Mais, nous autres chrétiens, nous n’avons pas besoin d’interroger Hérode ou les sages de la terre. Le Christ a donné à son Église la sécurité de sa doctrine, le courant de grâce des Sacrements ; il a prévu qu’il y ait des personnes pour nous orienter, pour nous conduire, pour nous rappeler constamment le chemin. Nous disposons d’un trésor infini de science : la Parole de Dieu gardée dans l’Église ; la grâce du Christ administrée dans les sacrements ; le témoignage et l’exemple de ceux qui vivent à coté de nous avec droiture et qui ont su faire de leur vie un chemin de fidélité à Dieu.

Permettez-moi de vous donner un conseil : s’il vous arrivait de perdre la lumière, ayez toujours recours au bon Pasteur. Mais qui est le bon Pasteur ? Celui qui entre par la porte de la fidélité à la doctrine de l’Église ; celui qui ne se comporte pas comme le mercenaire qui, voyant venir le loup, abandonne les brebis et s’enfuit ; et le loup les emporte et disperse le troupeau. Croyez que la parole divine n’est pas vaine ; et l’insistance du Christ — ne voyez-vous pas avec quelle affection il parle de pasteurs et de brebis, du bercail et du troupeau ? — est une démonstration pratique de la nécessité d’avoir un bon guide pour notre âme.

S’il n’y avait pas de mauvais pasteurs, écrit saint Augustin, il n’aurait pas précisé, et parlé du bon. Qui est le mercenaire ? Celui qui voit le loup et s’enfuit. Celui qui n’ose pas réprouver les pécheurs avec liberté d’esprit. Le loup saisit une brebis par le cou, le diable incite un fidèle à commettre un adultère. Et toi, tu te tais, tu ne réprouves rien. Tu es un mercenaire ; tu as vu venir le loup et tu as fui. Peut-être dira-t-il : non, je suis ici, je n’ai pas fui. Et je réponds : non, tu as fui parce que tu t’es tu ; et tu t’es tu parce que tu as eu peur.

La sainteté de l’épouse du Christ s’est toujours manifestée — comme elle se manifeste encore aujourd’hui — par une abondance de bons pasteurs. Mais la foi chrétienne, qui nous apprend à être simples, ne fait pas de nous des naïfs. Il y a des mercenaires qui se taisent, et il y a des mercenaires qui prononcent des paroles qui ne viennent pas du Christ. C’est pourquoi, si le Seigneur permet que nous restions dans l’obscurité, même dans les petites choses, si nous sentons que notre foi n’est pas ferme, courons au bon Pasteur, à celui qui entre par la porte en exerçant son droit, à celui qui, en donnant sa vie pour autrui veut être, dans sa parole et sa conduite, une âme éprise de Dieu : un pécheur aussi, peut-être ; mais qui a toujours confiance dans le pardon et la miséricorde du Christ.

Si votre conscience vous reproche quelque faute, même si elle ne vous semble pas grave — si vous avez un doute, accourez au sacrement de la pénitence. Allez trouver le prêtre qui vous dirige, celui qui sait exiger de vous une foi robuste, une âme délicate, une véritable force chrétienne. Dans l’Église, chacun est absolument libre de se confesser avec n’importe quel prêtre, pourvu qu’il ait les licences requises ; mais un chrétien à la vie claire accourra librement vers celui qu’il sait être le bon Pasteur, qui peut l’aider à lever les yeux pour voir de nouveau, là-haut, l’étoile du Seigneur.

Or, encens et myrrhe

Videntes autem stellam, gavisi sunt gaudio magno valde, dit le texte latin dans une admirable redondance : découvrant de nouveau l’étoile, ils se réjouirent avec une très grande joie. Pourquoi tant de joie ? Parce que, eux, qui n’ont jamais douté, reçoivent du Seigneur la preuve que l’étoile n’avait pas disparu : ils avaient cessé de la contempler avec leurs yeux, mais ils l’avaient toujours conservée dans leur âme. Il en est ainsi de la vocation du chrétien : s’il ne perd pas la foi, s’il maintient son espérance en Jésus-Christ, qui sera avec nous jusqu’à la consommation des siècles, il voit réapparaître l’étoile. En constatant une fois de plus la réalité de sa vocation, il sent naître en lui une joie plus grande, qui augmente sa foi, son espérance et son amour.

Entrant dans la maison, ils virent L’Enfant avec Marie, sa Mère et, s’agenouillant, ils l’adorèrent. Nous nous agenouillons, nous aussi, devant Jésus, Dieu caché sous son humanité : nous lui redisons que nous ne voulons pas tourner le dos à son appel divin, que nous ne nous éloignerons jamais de lui ; que nous enlèverons de notre chemin tout ce qui constitue un obstacle à notre fidélité ; que nous désirons sincèrement suivre ses inspirations. Toi, dans ton âme, et moi aussi — dans ma prière intime, qui est comme un grand silence qui crie — nous racontons à l’Enfant Jésus que nous voulons être d’aussi bons exécutants que les serviteurs de la parabole, pour qu’il puisse nous dire comme à eux : réjouis-toi, serviteur bon et fidèle.

Et, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Arrêtons-nous un peu pour comprendre ce passage du saint Évangile. Comment pouvons-nous, nous qui ne valons rien, offrir quelque chose à Dieu ? L’Écriture dit : tout don excellent, toute donation parfaite vient d’en haut. L’homme ne réussit peut-être même pas à découvrir entièrement la profondeur et la beauté des dons du Seigneur : Si tu savais le don de Dieu ! répond Jésus à la Samaritaine. Jésus-Christ nous a appris à attendre tout du Père, à chercher, avant tout, le royaume de Dieu et sa justice, car tout le reste nous sera donné par surcroît, et il sait bien, lui, ce dont nous avons besoin.

Dans l’économie du salut, Notre Père soigne chaque âme avec une délicatesse pleine d’amour : chacun reçoit de Dieu son don particulier, l’un celui-ci, l’autre celui-là. Il peut paraître inutile, par conséquent, de s’efforcer d’offrir à Dieu quelque chose dont il n’a pas besoin ; dans notre situation de débiteurs insolvables, nos dons ressembleraient à ceux de l’Ancienne Loi, que déjà Dieu n’acceptait pas : Sacrifices, obligations, holocaustes pour les péchés, tu ne les as voulus ni agréés et cependant ils sont offerts d’après la Loi.

Mais le Seigneur sait que donner est le propre de ceux qui aiment, et lui-même nous montre ce qu’il désire de nous. Ni les richesses, ni les fruits, ni les animaux de la terre, de la mer ou de l’air, ne lui importent, parce que tout est sien ; il veut quelque chose d’intime, que nous devons librement lui donner : mon fils, donne-moi ton cœur. Vous voyez ? Il ne se satisfait pas du partage : il veut tout. Il ne cherche pas ce qui nous appartient. Je le répète : c’est nous-mêmes qu’il veut. C’est de là, et de là seulement que proviennent tous les autres présents que nous pouvons offrir au Seigneur.

Offrons-lui, par conséquent, de l’or : l’or fin de notre détachement de la fortune et des biens matériels. N’oublions pas que ce sont des choses bonnes, puisqu’elles viennent de Dieu. Mais le Seigneur a voulu que nous les utilisions sans y attacher notre cœur, en les faisant fructifier pour le bien de l’humanité.

Les biens de la terre ne sont pas mauvais ; ils se corrompent quand l’homme les érige en idoles, et quand il se prosterne devant eux ; ils s’ennoblissent quand nous les utilisons pour faire le bien, en œuvrant chrétiennement pour la justice et la charité. Nous ne pouvons poursuivre les biens à la manière d’un homme qui va à la recherche d’un trésor ; notre trésor, il est là, couché dans une crèche : c’est le Christ, et tous nos amours doivent se joindre en lui, car là ou est notretrésor, là aussi est notre cœur.

Lorsque nous considérons la dignité de la mission à laquelle Dieu nous appelle il se peut que l’âme humaine en conçoive de la présomption, de l’orgueil. Fausse vision de la vocation chrétienne que cette vision aveugle, qui nous fait oublier que nous sommes faits de boue, que nous sommes poussière et misère, que non seulement le mal est dans le monde, autour de nous, mais encore qu’il est en nous, qu’il loge dans notre cœur même et qu’il nous rend capables de vilénies et d’égoïsmes. Seule la grâce de Dieu est un rocher solide ; nous ne sommes que sable, que sable mouvant.

Si l’on parcourt l’histoire des hommes et si l’on analyse la situation actuelle du monde, on souffre de voir qu’après vingt siècles il y a si peu de gens à s’appeler chrétiens et que ceux qui se parent de ce nom sont si souvent infidèles à leur vocation. Voici quelques années, une personne qui ne manquait pas de cœur, mais qui n’avait pas la foi, me montrait une mappemonde et me disait : Vous avez là l’échec du Christ ! Depuis tant de siècles qu’il essaie de mettre sa doctrine dans l’âme des hommes, voyez les résultats : il n’y a pas de chrétiens.

Il y a encore de nos jours des gens pour penser ainsi. Mais le Christ n’a pas échoué : sa parole et sa vie fécondent constamment le monde. L’œuvre du Christ, la tâche que son Père lui a confiée, sont en train de se réaliser : sa force traverse l’histoire, y apportant la vraie vie, et quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous.

Dans cette tâche qu’il accomplit dans le monde, Dieu a voulu que nous soyons ses coopérateurs, il a voulu courir le risque résultant de notre liberté. Je suis touché jusqu’au fond de l’âme par la figure de Jésus, nouveau-né, à Bethléem : elle est celle d’un enfant faible et sans défense, incapable d’offrir la moindre résistance. Dieu se livre aux mains des hommes, s’approche et s’abaisse jusqu’à nous.

Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant la condition d’esclave. Dieu condescend à se mettre au niveau de notre liberté, de notre imperfection, de nos misères. Il consent à ce que les trésors divins soient portés dans des vases d’argile, à ce que nous Le fassions connaître en mêlant nos déficiences humaines à sa force divine.

Remplir le monde de lumière, être sel et lumière : c’est ainsi que le Seigneur a décrit la mission de ses disciples. Porter jusqu’aux derniers confins de la terre la bonne nouvelle de l’amour de Dieu. C’est à cela que tous les chrétiens doivent consacrer leur vie, d’une manière ou d’une autre.

J’irai plus loin. Nous devons être consumés par le désir de ne pas demeurer seuls, nous devons encourager les autres à contribuer à cette mission divine d’apporter joie et paix au cœur des hommes. Dans la mesure où vous progresserez, vous-mêmes, écrit saint Grégoire le Grand, attirez les autres à vous ; ayez ce désir d’avoir des compagnons sur votre chemin vers le Seigneur.

Mais souvenez-vous que, cum dormirent homines, tandis que les hommes s’étaient assoupis, surgit le semeur d’ivraie, comme dit le Seigneur dans l’une de ses paraboles. Nous, les hommes, nous sommes exposés à nous laisser envahir par le sommeil de l’égoïsme et de la superficialité, à laisser notre cœur se disperser en mille expériences éphémères, à esquiver la recherche en profondeur du véritable sens des réalités terrestres. Triste chose que ce sommeil qui étouffe la dignité de l’homme et le rend esclave de la tristesse !

Il est un cas qui doit nous faire souffrir par-dessus tout : celui des chrétiens qui pourraient donner bien davantage et ne se décident pas, qui pourraient se donner à fond, en vivant toutes les conséquences de leur vocation d’enfants de Dieu, mais qui résistent devant la perspective d’être généreux. Cela doit nous faire souffrir, parce que la grâce de la foi ne nous a pas été conférée pour rester cachée, mais bien au contraire, pour briller devant les hommes ; parce qu’en outre, c’est la félicité temporelle et éternelle de ceux qui agissent de la sorte qui est alors en jeu. La vie chrétienne est une merveille divine, dotée de promesses immédiates de satisfaction et de sérénité, à condition, toutefois, que nous sachions apprécier le don de Dieu, en étant généreux sans réserves.

Il faut donc réveiller ceux qui ont pu sombrer dans ce mauvais sommeil ; il faut leur rappeler que la vie n’est pas un jeu, mais un trésor divin à faire fructifier. Il faut également montrer le chemin à ceux qui sont pleins de bonne volonté et de louables désirs, mais ne savent pas comment les mettre en pratique. Le Christ nous presse : chacun de vous doit être non seulement apôtre, mais apôtre d’apôtres, qui entraîne les autres, qui les incite à faire connaître Jésus-Christ, eux aussi.