Liste des points

7 points de « Amis de Dieu » sont liés à la thématique Amour de Dieu → Amour rédempteur .

Ne t’es-tu pas demandé parfois, mû par une sainte curiosité, comment Jésus-Christ a mené à son terme cette prodigalité d’amour ? Saint Paul prend soin à nouveau de répondre : Bien qu’il fût de condition divine, (…) il s’anéantit lui-même en prenant la condition d’esclave et devenant semblable aux hommes. Mes enfants, soyez saisis de reconnais­sance devant ce mystère et apprenez ceci : tout le pouvoir, toute la majesté, toute la beauté, toute l’harmonie infinie de Dieu, ses richesses grandes et incommensurables, tout un Dieu ! est demeuré caché dans l’Humanité du Christ pour nous servir. Le Tout-Puissant se montre décidé à obscurcir sa gloire pour un temps, afin de faciliter la rencontre rédemptrice avec ses créatures.

Dieu, écrit l’évangéliste saint Jean, nul ne l’a jamais vu, le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître, en comparaissant sous le regard stupéfait des hommes : d’abord comme un nouveau-né à Bethléem ; puis comme un enfant semblable aux autres ; plus tard, au Temple, comme un adolescent à l’esprit réfléchi et éveillé ; et enfin avec la figure aimable et attirante du Maître qui bouleversait les cœurs des foules qui l’accompagnaient avec enthousiasme.

Quelques traits de l’Amour de Dieu qui s’incarne nous suffisent ; et sa générosité touche notre âme, nous enflamme, nous pousse doucement vers une douleur contrite de notre comportement si souvent mesquin et égoïste. Jésus-Christ n’hésite pas à s’abaisser pour nous élever de la misère à la dignité de fils de Dieu, de frères. Au contraire, toi et moi, nous nous enorgueillissons fréquemment et stupidement des dons et des talents reçus, au point d’en faire un piédestal nous permettant de nous imposer aux autres, comme si le mérite de quelques actions, achevées avec une perfection toute relative, dépendait exclusivement de nous : Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi t’en vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ?

Lorsque nous considérons le don total que Dieu fait de lui-même et son anéantissement — j’en parle pour que nous le méditions, chacun réfléchissant pour son compte — la fatuité, la présomption de l’orgueilleux se révèlent être un péché horrible, précisément parce qu’il place la personne à l’opposé du modèle que Jésus-Christ nous a montré par sa conduite. Réfléchissez-y calmement : étant Dieu, il s’est humilié. L’homme, bouffi d’orgueil, rempli de son propre moi, prétend s’exalter à tout prix sans reconnaître qu’il est fait d’une mauvaise terre tout juste bonne pour une cruche.

Mes souvenirs de jeunesse me reviennent de nouveau en mémoire. Quelle preuve de foi chez ces hommes ! Il me semble que j’entends encore leurs chants liturgiques, que je respire toujours le parfum de l’encens, je vois des milliers et des milliers d’hommes, chacun portant son grand cierge, symbole de sa misère, mais avec un cœur d’enfant, d’enfant qui n’arrive peut-être pas à lever la tête pour regarder son père droit dans les yeux. Comprends et vois comme il est mauvais et amer d’abandonner Yahvé ton Dieu. Renouvelons notre ferme décision de ne jamais nous écarter du Seigneur à cause des soucis de ce monde. Faisons croître notre soif de Dieu, grâce à des résolutions concrètes pour notre conduite, tels des enfants qui reconnaissent leur propre indigence et qui cherchent, qui réclament sans cesse leur Père.

Mais je reviens à ce que je vous disais : il faut apprendre à être comme des tout-petits, il faut apprendre à être enfants de Dieu. Et, au passage, il faut transmettre à tous cet esprit qui, au milieu des faiblesses naturelles, nous rendra « fermes dans la foi », féconds dans nos œuvres et assurés sur notre chemin. Alors, quelle que soit la nature de la faute que nous pourrons commettre, aussi triste soit-elle, nous n’hésiterons jamais à réagir, à revenir sur la grand’route de la filiation divine qui aboutit dans les bras grands ouverts de Dieu notre Père qui nous attend.

Qui pourrait oublier les bras de son père ? Ils n’étaient peut-être pas aussi tendres, aussi doux, aussi délicats que ceux de sa mère. Mais ces bras robustes et forts nous serraient chaleureusement et nous mettaient en sécurité. Merci Seigneur pour ces bras solides. Merci pour ces mains vigoureuses. Merci pour ce cœur débordant de tendresse et de fermeté. J’allais même te remercier pour mes erreurs. Mais non, tu n’en veux pas ! Mais tu les comprends, les excuses, les pardonnes.

Voilà donc la sagesse à laquelle Dieu s’attend dans nos rapports avec lui. C’est là un raisonnement tout ce qu’il y a de plus mathématique : reconnaître que nous ne sommes que quantité négligeable… Pourtant Dieu notre Père nous aime, chacun d’entre nous, tels que nous sommes ! Si moi, qui ne suis qu’un pauvre homme, je vous aime chacun de vous tel que vous êtes, imaginez donc ce que doit être l’Amour de Dieu, pourvu que nous luttions, pourvu que nous nous efforcions de régler notre vie selon notre conscience bien formée.

Plan de vie

Il pécherait par ingénuité celui qui s’imaginerait arriver facilement à bout des exigences de la charité chrétienne ! Notre expérience des rapports entre les hommes, et, malheureusement, au sein de l’Église est bien différente. Si l’amour ne nous obligeait pas à nous taire, chacun de nous pourrait parler longuement de divisions, attaques, injustices, médisances, intrigues. Il faut tout bonnement l’admettre pour essayer d’y remédier personnellement, en nous efforçant de ne blesser personne, de ne malmener personne, de ne pas accabler celui que nous corrigeons.

Ce n’est pas une affaire nouvelle. Peu d’années après l’Ascension de Jésus-Christ, alors que presque tous les apôtres se rendaient encore d’un endroit à un autre et qu’une ferveur formidable dans la foi et l’espérance était générale, beaucoup cependant commençaient à se fourvoyer, à ne pas vivre la charité du Maître.

Du moment où il y a parmi vous jalousie et discorde, n’est-il pas évident que vous êtes charnels et votre conduite n’est-elle pas toute humaine ? Lorsque vous dites, l’un : « moi je suis pour Paul » et l’autre : « moi pour Apollos », n’est-ce pas là bien humain ? n’est-ce pas là une conduite d’hommes qui ne comprennent pas que le Christ est venu abolir toutes ces divisions ? Qu’est-ce donc qu’Apollos ? Et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs par qui vous avez embrassé la foi, et chacun d’eux pour la part que le Seigneur lui a donnée. L’Apôtre ne rejette pas la diversité : Chacun reçoit de Dieu son don particulier, l’un celui-ci, l’autre celui-là. Mais ces différences doivent être canalisées pour le bien de l’Église. Je me sens poussé maintenant à demander au Seigneur, unissez-vous à ma prière si vous le voulez bien, de ne pas permettre que le manque d’amour soit comme de l’ivraie semée dans le champ de son Église. La charité est le sel dans l’apostolat des chrétiens ; s’il perd sa saveur, comment pourrions-nous affronter le monde et dire la tête haute : ici se trouve le Christ ?

C’est pourquoi je vous répète avec saint Paul : Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis pas plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.

Face à ces propos de l’Apôtre des Gentils, il y a, bien sûr, ceux qui s’identifient à ces disciples du Christ qui, à l’annonce par notre Seigneur du sacrement de sa Chair et de son Sang, firent le commentaire suivant : Cette doctrine est trop dure. Qui peut l’écouter ? Oui, elle est dure cette doctrine. Car la charité que l’Apôtre nous décrit ne se limite pas à la philanthropie, à l’humanitarisme ou à la compassion, bien naturelle, devant la souffrance d’autrui : elle exige de pratiquer la vertu théologale de l’amour de Dieu et de l’amour des autres pour Dieu. C’est pourquoi la charité ne passe jamais. Les prophéties ? Elles se tairont. La science ? Elle disparaîtra. Car imparfaite est notre science, imparfaite aussi notre prophétie… Bref, la foi, l’espérance et la charité demeurent toutes les trois, mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité.

Le seul chemin

Nous sommes maintenant convaincus que la charité n’a rien à voir avec cette caricature que parfois d’aucuns ont prétendu esquisser de cette vertu centrale dans la vie du chrétien. Alors pourquoi sommes-nous tenus de la prêcher continuellement ? S’agirait-il d’un thème en quelque sorte obligatoire, mais ayant peu de chances de se manifester dans des faits concrets ?

Si nous nous regardions autour de nous, il se pourrait que nous trouvions des raisons de croire que la charité est une vertu illusoire. Mais si toi et moi, nous envisageons les choses avec un esprit surnaturel, nous découvrirons aussi la racine de cette stérilité : l’absence de relations intenses et continuelles, en tête à tête, avec notre Seigneur Jésus Christ, et la méconnaissance de l’œuvre de l’Esprit Saint dans l’âme, dont le premier fruit est précisément la charité.

Reprenant quelques conseils de l’Apôtre, portez le fardeau les uns des autres et accomplissez ainsi la loi du Christ, un Père de l’Église ajoute : En aimant le Christ nous supporterons facilement les faiblesses des autres, même de celui que nous n’aimons pas encore parce que ses œuvres ne sont pas bonnes.

C’est dans cette direction que s’élève le chemin qui nous fait grandir dans la charité. Si nous pensons que nous devons d’abord exercer des activités humanitaires, des tâches d’assistance, en excluant l’amour du Seigneur, nous nous trompons. Nous ne devons pas délaisser le Christ parce que nous nous occupons de notre prochain malade, étant donné que nous devons aimer celui-ci à cause du Christ.

Voyez l’exemple de Jésus. Sans cesser d’être Dieu, il s’humilia, prenant la condition d’esclave pour pouvoir nous servir. Voilà la seule voie, le seul effort qui en vaille la peine. L’amour cherche l’union, l’identification avec la personne aimée. En nous unissant au Christ, nous serons pris du désir de le seconder dans cette vie de renoncement, d’aimer sans mesure et de nous sacrifier jusqu’à la mort. Le Christ nous place devant une alternative fondamentale : dépenser notre existence personnelle égoïstement et en solitaires, ou nous consacrer de toutes nos forces à une tâche de service.

Nous allons maintenant demander au Seigneur, pour finir ce moment de conversation avec lui, de nous accorder de pouvoir redire avec saint Paul : Nous triomphons par Celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance, ni mort, ni vie, ni anges, ni principautés, ni présent, ni avenir, ni puissances, ni hauteur, ni profondeur, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur.

L’Écriture chante aussi cet amour avec des mots enflammés : Les grandes eaux ne pourront éteindre l’Amour, ni les fleuves le submerger. C’est cet amour qui a toujours empli le Cœur de Marie, au point de lui donner des entrailles de Mère pour l’humanité entière. Chez la Sainte Vierge, l’amour de Dieu se confond aussi avec la sollicitude envers tous ses enfants. Son Cœur très doux, attentif aux moindres détails — ils ont besoin de vin — a du beaucoup souffrir en voyant cette cruauté collective et cet acharnement des bourreaux que furent la Passion et la Mort de Jésus. Mais Marie ne dit rien. Comme son Fils, elle aime, elle se tait et elle pardonne. Voilà la force de l’Amour.