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12 points de « Amis de Dieu » sont liés à la thématique Évangile → enseignements, paraboles et allégories.

Lorsque nous méditons les paroles de Notre Seigneur : et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés en vérité, nous percevons clairement notre unique but : la sanctification, autrement dit le devoir que nous avons d’être saints pour sanctifier. En même temps la tentation subtile nous assaille peut-être de penser que bien peu d’entre nous se sont décidés à répondre à cette invitation divine, sans compter que nous constatons que nous ne sommes que des instruments bien quelconques. Nous sommes peu nombreux, il est vrai, au regard du reste de l’humanité, et nous ne valons rien par nous-mêmes. Mais l’affirmation du Maître a l’accent de l’autorité : le chrétien est lumière, sel, ferment du monde, et un peu de levain fait fermenter toute la pâte. C’est précisément pour cela que j’ai toujours prêché que toutes les âmes nous intéressent, cent âmes sur cent, sans discrimination d’aucune sorte, avec la conviction que Jésus-Christ nous a tous rachetés, et qu’il veut se servir d’un petit nombre, malgré notre nullité personnelle, pour faire connaître ce salut.

Jamais un disciple du Christ ne maltraitera quelqu’un. Il qualifie l’erreur d’erreur ; mais il doit corriger avec affection celui qui est dans l’erreur ; sinon, il ne pourra pas l’aider, il ne pourra pas le sanctifier. Il faut vivre avec les autres, il faut comprendre, il faut savoir excuser, il faut être fraternels. Et, comme le conseillait saint Jean de la Croix, il faut à tout moment mettre de l’amour là où il n’y a pas d’amour, pour en tirer de l’amour, même dans ces circonstances, apparemment peu importantes, que créent notre travail professionnel et nos relations familiales et sociales. Toi et moi nous profiterons ainsi des occasions qui se présenteront, y compris des plus banales, pour les sanctifier, nous sanctifier et sanctifier ceux qui partagent avec nous les mêmes efforts quotidiens, en ressentant dans notre vie le poids doux et attirant de la corédemption.

Ayons de nouveau recours à l’Évangile. Regardons-nous dans notre modèle, en Jésus-Christ.

Jacques et Jean, par l’intermédiaire de leur mère, ont demandé au Christ de les placer à sa gauche et à sa droite. Les autres disciples sont indignés contre eux. Et que répond Notre Seigneur ? Celui qui voudra devenir grand parmi vous se fera votre serviteur et celui qui voudra être le premier parmi vous se fera l’esclave de tous. Aussi bien, le Fils de l’Homme lui-même n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude.

Une autre fois, sur le chemin de Capharnaüm, Jésus allait peut-être devant eux, comme en d’autres étapes. Une fois à la maison il leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Eux se taisaient car ils avaient discuté en chemin – une fois de plus – de qui était le plus grand. Alors, s’étant assis, il appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, il se fera le dernier de tous et le serviteur de tous. » Puis, prenant un petit enfant, il le plaça au milieu d’eux et, l’ayant embrassé, il leur dit : « Quiconque accueille un de ces petits enfants en mon nom, c’est moi qu’il accueille ; et quiconque m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

Cette façon d’agir de Jésus ne vous enivre-t-elle pas d’amour ? Il leur apprend la doctrine et, pour qu’ils la comprennent, il leur donne un exemple vivant. Il appelle un enfant, un de ceux qui devaient être en train de courir dans cette maison, et il le serre contre son Cœur. Quel silence éloquent que celui de Notre Seigneur ! Il a déjà tout dit : il aime ceux qui se font comme des enfants, il ajoute ensuite que le résultat de cette simplicité, de cette humilité d’esprit consiste à pouvoir l’embrasser, lui et le Père qui est aux Cieux.

Dans cette perspective, soyez convaincus que si nous désirons vraiment suivre le Seigneur de près et rendre un authentique service à Dieu et à l’humanité tout entière, nous devons être sérieusement détachés de nous-mêmes, des dons de l’intelligence, de la santé, de l’honneur, des ambitions nobles, des triomphes, des succès.

Je veux aussi parler, car ta décision doit aller jusque là, des désirs nobles par lesquels nous recherchons exclusivement la gloire et la louange de Dieu, en ajustant notre volonté à la règle claire et précise que voici : Seigneur, je ne veux ceci ou cela que si cela te plaît, car sinon, en quoi cela m’intéresse-t-il ? Nous portons ainsi un coup mortel à l’égoïsme et à la vanité qui se frayent un chemin dans toutes les consciences ; par la même occasion nous obtenons la véritable paix de l’âme, avec un détachement qui s’achève dans la possession de Dieu, de plus en plus intime et intense.

Pour imiter Jésus-Christ notre cœur doit être entièrement libre de tout attachement. Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. Que servira-t-il donc à l’homme de gagner le monde entier s’il perd son âme ? Et saint Grégoire de commenter : Il ne suffirait pas d’être détachés des choses si nous ne renoncions pas à nous-mêmes. Mais… où aller en dehors de nous-mêmes ? Qu’est celui qui renonce, s’il se laisse aller à lui-même ?

Sachez qu’une est notre condition déchue par le péché ; et autre en tant que formés par Dieu. Nous avons été créés dans une nature, mais c’est dans une nature différente que nous nous trouvons par notre faute. Il faut renoncer à ce que nous sommes devenus par nos péchés et nous maintenir tels que nous avons été constitués par la grâce. Aussi celui qui était orgueilleux a déjà renoncé à lui-même si, converti au Christ, il devient humble ; si un sensuel se met à mener une vie chaste, il a aussi renoncé à lui-même, dans ce qu’il était auparavant ; si un avare cesse de convoiter et commence à être généreux avec ce qui lui appartient en propre, au lieu de s’emparer du bien d’autrui, il s’est certainement renié lui-même.

La maîtrise du chrétien

Nous pouvons dire que, face à la mission qu’il a reçue du Père, notre Seigneur vécut au jour le jour, comme il le conseillait dans l’un des enseignements les plus évocateurs qui soient sortis de sa bouche divine : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. Car la vie est plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement. Regardez les corbeaux ; ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cellier ni grenier, et Dieu les nourrit ! Combien plus valez-vous que les oiseaux !… Regardez les lis, comme ils poussent : ils ne travaillent ni ne filent. Or, je vous le dis, Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. Si, dans les champs, Dieu revêt de la sorte l’herbe qui est aujourd’hui, et demain sera jetée au four, combien plus le fera-t-il pour vous, gens de peu de foi !

Si nous vivions plus confiants en la Providence divine, sûrs — avec une foi forte ! — de cette protection quotidienne qui ne nous fait jamais défaut, combien de préoccupations ou d’inquiétudes ne nous épargnerions-nous pas ? Tant de soucis disparaîtraient qui, selon le mot de Jésus, sont propres aux païens, aux hommes de ce monde, à ceux qui manquent de sens surnaturel. Je voudrais, dans une confi­dence d’ami, de prêtre, de père, vous remettre en mémoire en toute circonstance que, par la miséricorde de Dieu, nous sommes enfants de notre Père tout-puissant, qui est au ciel et en même temps dans l’intimité de notre cœur ; je voudrais graver en lettres de feu dans votre esprit que nous avons toutes les raisons du monde pour parcourir cette terre avec optimisme, l’âme bien détachée des choses qui semblent indispensables — car votre Père sait bien ce dont vous avez besoin ! — et qu’il y pourvoira. Croyez-moi : c’est seulement de cette manière que nous nous conduirons en maîtres de la Création, et que nous éviterons le triste esclavage où tant sont tombés oublieux de leur condition d’enfants de Dieu, alors qu’ils se donnent beaucoup de mal pour un lendemain ou un après-demain qu’ils ne verront peut-être même pas.

Si vous désirez à tout moment être maître de vous-mêmes, je vous conseille de fournir un très gros effort pour vous détacher de toute chose, sans crainte ni hésitation. Ensuite, au moment de vous occuper de vos obligations personnelles, familiales… et de les accomplir, utilisez les moyens terrestres honnêtes avec rectitude, en pensant au service de Dieu, à l’Église, à votre famille, à votre tâche professionnelle, à votre pays, à l’humanité tout entière. Dites-vous bien que ce qui est important ne se traduit pas dans le fait de posséder ceci ou de manquer de cela, mais de se conduire en accord avec la vérité que notre foi chrétienne nous enseigne : les biens créés sont des moyens, rien d’autre. Repoussez donc le mirage qui consiste à y voir quelque chose de définitif : Ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la mite et le ver consument, où les voleurs perforent et cambriolent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel : là, point de mite ni de ver qui consume, point de voleurs qui perforent et cambriolent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.

Lorsque quelqu’un axe son bonheur exclusivement sur les choses d’ici-bas — j’ai été témoin de véritables tragédies —, il en pervertit l’usage raisonnable et détruit l’ordre sagement disposé par le Créateur. Son cœur devient alors triste et insatisfait ; il s’engage sur la voie d’un éternel mécontentement et finit par être dès ici-bas esclave, victime de ces mêmes biens qu’il a peut-être atteint au prix d’efforts et de renoncements innombrables. Mais surtout, je vous recommande de ne jamais oublier que Dieu n’a pas de place, n’habite pas un cœur embourbé dans un amour désordonné, grossier, vain. Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et I’Argent. Fixons donc notre cœur dans l’amour capable de nous rendre heureux… Désirons les trésors du ciel.

Je ne suis pas en train de t’amener à cesser d’accomplir tes devoirs ou de revendiquer tes droits. Au contraire, pour chacun de nous, habituellement, un repli sur ce front revient à une lâche désertion de la lutte pour devenir saints à laquelle Dieu nous a appelés. C’est pourquoi, en toute conscience, tu dois t’efforcer, spécialement dans ton travail, de faire en sorte que ni toi ni les tiens ne manquiez de ce qui convient pour vivre avec une dignité chrétienne. Si à un moment quelconque, tu éprouves dans ton propre corps le poids de l’indigence, ne t’attriste pas, ne te rebelle pas ; mais, j’insiste, essaie d’employer tous les moyens nobles pour surmonter cette situation, car agir d’une autre façon reviendrait à tenter Dieu. Et dans la lutte souviens-toi toujours de ceci : omnia in bonum ! Tout, y compris la pénurie, la pauvreté, coopère au bien de ceux qui aiment le Seigneur. Habitue-toi dès maintenant à affronter avec joie les petites limites, les incommodités, le froid, la chaleur, la privation de quelque chose qui te semble indispensable, le fait de ne pouvoir te reposer comme tu le voudrais et quand tu le voudrais, la faim, la solitude, l’ingratitude, l’incompréhension, le déshonneur…

Père… ne les ôte pas du monde

Comme l’enseignement du Christ est transparent ! Ouvrons comme d’habitude le Nouveau Testament, cette fois-ci au chapitre 11 de saint Matthieu : Apprenez de moi, car je suis doux et humble de cœur. T’en rends-tu compte ? Nous devons apprendre de lui, de Jésus, notre unique modèle. Si tu veux progresser en évitant les faux pas et les égarements, tu n’as qu’à marcher là où il a marché, poser la plante de tes pieds sur l’empreinte de ses pas, pénétrer dans son Cœur humble et patient, boire à la source de ses commandements et de ses actes d’amour. En un mot, tu dois t’identifier à Jésus-Christ, tu dois t’efforcer de te convertir pour de bon en un autre Christ parmi tes frères les hommes.

Afin que personne ne s’y méprenne, nous allons lire une autre citation de saint Matthieu. Au chapitre 16, le Seigneur précise encore davantage sa doctrine : Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Le chemin de Dieu est fait de renoncement, de mortification, de don de soi, mais non de tristesse ou de découragement.

Examine à nouveau l’exemple du Christ, depuis le berceau de Bethléem jusqu’au trône du Calvaire. Considère son abnégation, ses privations : la faim, la soif, la fatigue, la chaleur, le sommeil, les mauvais traitements, les incompréhensions, les larmes… Et sa joie de sauver l’humanité tout entière. J’aimerais que tu graves à présent au plus profond de ton esprit et de ton cœur, afin de le méditer souvent et de le traduire en résultats pratiques, ce résumé de saint Paul quand il invitait les Éphésiens à suivre sans hésiter les pas du Seigneur : Cherchez à imiter Dieu, comme des enfants bien-aimés, et suivez la voie de l’amour, à l’exemple du Christ qui vous a aimés et s’est livré pour nous, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur.

Tournons à nouveau nos regards vers le Maître. Peut-être entends-tu, toi aussi, en ce moment, le reproche adressé à Thomas : porte ton doigt ici : voici mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté et ne sois plus incrédule mais croyant, et du fond de ton cœur tu t’écrieras avec l’apôtre, dans un élan de contrition sincère : Mon Seigneur et mon Dieu ! Je te reconnais pour mon Maître à tout jamais et, avec ton secours, je garderai comme un trésor tes enseignements et je m’efforcerai de les suivre loyalement.

Quelques pages plus haut, nous revivons dans l’Évangile la scène où Jésus se retire pour prier, ses disciples se tenant tout près de lui, sans doute en train de le contempler. Quand il eut fini, l’un d’eux se décida à l’implorer : Seigneur, apprends-nous à prier comme Jean l’a appris à ses disciples. Il leur dit : quand vous priez, dites : Père que ton nom soit sanctifié.

Vous remarquerez comme la réponse est surprenante : les disciples partagent leur vie avec Jésus-Christ et, tout en conversant avec eux, le Seigneur leur montre comment ils doivent prier. Il leur révèle le grand secret de la miséricorde divine : nous sommes enfants de Dieu, et nous pouvons nous entretenir en toute confiance avec lui, comme un enfant converse avec son père.

Lorsque je considère la façon dont certains envisagent la vie de piété — ces échanges entre le chrétien et son Seigneur — et qu’on m’en propose une image désagréable, théorique, pleine de formules toutes faites, pleine de rengaines sans âme, favorisant plus l’anonymat que la conversation personnelle, en tête-à-tête avec Dieu notre Père — l’authentique oraison vocale n’est pas compatible avec l’anonymat —, je me rappelle ce conseil du Seigneur : Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter. N’allez pas faire comme eux ; car votre Père sait bien ce qu’il faut que vous lui demandiez. Un Père de l’Église a écrit à ce propos : Je crois que le Christ nous demande d’éviter les longues prières, longues quant à la suite interminable de paroles, mais non quant au temps. Le Seigneur lui-même nous a donné en exemple la veuve qui, à force de réclamations, vient à bout de la résistance du juge inique ; et cet autre exemple de l’ami importun qui arrive la nuit à des heures indues et qui, par entêtement plus que par amitié, obtient de son ami qu’il sorte de son lit, (cf. Lc 11, 5-8 ; 18, 1-8). Par ces deux exemples il nous invite à la demande constante, non dans d’interminables prières, mais par le simple exposé de nos besoins.

Et si malgré tout, au début de votre méditation, vous n’arrivez pas à concentrer votre attention pour parler à Dieu, si vous vous trouvez froids et si votre tête semble incapable de formuler la moindre idée, ou si votre cœur ne réagit pas, je vous conseille ce que j’ai toujours essayé de faire dans ces cas-là : mettez-vous en présence de votre Père et dites-lui tout au moins : « Seigneur je ne sais pas prier, je ne trouve rien à te raconter !… » Soyez-en sûrs, à ce moment-même vous avez commencé à prier.

Piété : une attitude d’enfant

Habituez-vous à vous mêler aux personnages du Nouveau Testament. Savourez ces scènes émouvantes où le Maître procède avec des gestes divins et humains à la fois, ou bien expose avec des tournures, elles aussi humaines et divines, l’histoire sublime du pardon, qui est celle de son Amour ininterrompu pour ses enfants. Ces échos du Ciel se renouvellent aussi en ce moment dans la pérennité actuelle de l’Évangile : on perçoit, nous percevons, nous constatons, nous sommes en droit d’affirmer que nous touchons du doigt la protection divine, une aide de plus en plus forte, au fur et à mesure que nous avançons, malgré nos faux pas, au fur et à mesure que nous commençons et recommençons. C’est cela la vie intérieure vécue dans l’espérance en Dieu.

Sans cette volonté de surmonter les obstacles du dedans et du dehors, le prix ne nous sera pas accordé. L’athlète ne reçoit la couronne que s’il a lutté suivant les règles, et tout combat véritable, d’après les règles, nécessite un adversaire. Donc, s’il n’est pas d’adversaire, il n’y aura pas de couronne ; car il ne saurait y avoir de vainqueur sans un vaincu.

Loin de nous décourager, les contrariétés doivent être pour nous un aiguillon qui nous aide à grandir comme des chrétiens : c’est dans cette lutte que nous nous sanctifions et que notre travail apostolique gagne en efficacité. Méditons les moments où Jésus-Christ, au jardin des Oliviers, puis dans l’abandon et l’opprobre de la Croix, accepte et aime la Volonté du Père, tout en ressentant le poids gigantesque de la Passion. Nous en tirons la conviction que, pour imiter le Christ, pour être de bons disciples, il nous faut accueillir son conseil : Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. C’est pourquoi j’aime demander à Jésus pour moi : Seigneur, aucun jour sans la croix ! Ainsi, avec la grâce divine, notre caractère se trempera, et nous servirons d’appui à notre Dieu, par delà nos misères personnelles.

Comprends-moi bien : si, en enfonçant un clou dans un mur, tu ne rencontrais pas de résistance, que pourrais-tu y suspendre ? Si nous ne nous fortifions pas, avec l’aide divine et au moyen du sacrifice, nous ne parviendrons pas à être des instruments du Seigneur. En revanche, si nous sommes décidés à profiter avec joie des contrariétés, par amour de Dieu, il ne nous en coûtera guère de nous exclamer avec les apôtres Jacques et Jean face aux difficultés et aux choses désagréables, face à ce qui est dur ou gênant : Nous le pouvons !

L’importance de la lutte

Mêlé à la multitude, un de ces experts qui n’arrivaient plus à discerner quels étaient les enseignements révélés à Moïse, tant ils les avaient eux-mêmes embrouillés dans une casuistique stérile, vient de poser une question au Seigneur. Le Seigneur ouvre ses lèvres divines pour répondre posément à ce docteur de la Loi, avec la ferme assurance de celui qui en a bien l’expérience : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. Voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même. C’est à ces deux commandements que se rattachent toute la Loi et les Prophètes.

Voyez maintenant le Maître, réuni avec ses disciples dans l’intimité du Cénacle. À l’approche de sa Passion, le cœur du Christ, entouré de ceux qu’iI aime, brûle d’un feu ineffable : Je vous donne un commandement nouveau, leur dit-iI, aimez-vous les uns les autres ; oui comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples. À cet amour que vous aurez les uns pour les autres.

Pour approcher le Seigneur à travers les pages du saint Évangile, je vous recommande toujours de faire l’effort d’entrer dans la scène, d’y participer comme un personnage de plus. Je connais nombre d’âmes, normales et courantes qui le font. Ainsi, vous serez absorbés comme Marie, suspendue aux lèvres de Jésus ou, comme Marthe, vous oserez lui faire part sincèrement de vos soucis, même les plus insignifiants.

Seigneur, pourquoi dis tu que ce commandement est nouveau ? Comme nous venons de l’entendre, l’amour envers le prochain était déjà prescrit dans l’Ancien Testament. Et vous vous souvenez aussi que, juste au début de sa vie publique, Jésus élargit cette exigence, dans sa générosité divine : Vous avez entendu dire « Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. » Eh bien, moi je vous dis : aimez vos ennemis, faites le bien à ceux qui vous détestent et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient.

J’aime reprendre des paroles que l’Esprit Saint nous communique par la bouche du prophète Isaïe : discite benefacere. Apprenez à faire le bien. J’ai l’habitude d’appliquer ce conseil aux différents aspects de notre lutte intérieure, étant donné qu’il ne faut jamais penser que la vie chrétienne est achevée, car le progrès dans les vertus découle d’un effort personnel, quotidien et effectif.

Pour l’apprentissage de n’importe quelle tâche au sein de la société, comment nous y prenons-nous ? Nous considérons d’abord le but recherché et les moyens pour l’atteindre. Puis nous les employons, de façon répétée, jusqu’à créer une habitude fermement enracinée en nous. Dès que nous apprenons quelque chose, nous en découvrons d’autres que nous ignorions et qui constituent une motivation pour poursuivre la tâche sans jamais dire assez !

La charité envers le prochain est une manifestation de l’amour de Dieu. C’est pourquoi, quand nous nous efforçons de progresser dans cette vertu, nous ne pouvons pas nous fixer de limite. Avec le Seigneur, la seule mesure est d’aimer sans mesure. D’une part, parce que nous n’arriverons jamais à le remercier assez pour tout ce qu’il a fait pour nous ; d’autre part, parce que l’amour de Dieu envers ses créatures se présente ainsi : surabondant, sans calcul, sans frontières.

À nous tous qui sommes disposés à l’écouter de toute notre âme, Jésus-Christ nous enseigne, dans le sermon sur la montagne, le commandement divin de la charité. Et à la fin, en guise de résumé, il explique : Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien attendre en retour. Votre récompense alors sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants. Soyez donc miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux.

La miséricorde n’en reste pas à une froide attitude de compassion : la miséricorde s’identifie avec la surabondance de la charité, qui amène avec elle la surabondance de la justice. Être miséricordieux c’est garder le cœur sensible, c’est entretenir la blessure humaine et divine d’un amour ferme, sacrifié, généreux. C’est bien ainsi que saint Paul, dans son hymne à cette vertu, résume la charité : La charité est longanime, la charité est serviable ; elle n’est pas envieuse, la charité ne fanfaronne pas, ne se rengorge pas, elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal, elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.

Pour orienter le cours de ma prière j’ai coutume —peut-être cela aidera-t-il aussi l’un d’entre vous — de matérialiser ce qui est le plus spirituel. Notre Seigneur utilisait déjà ce procédé. Il aimait enseigner en paraboles tirées du milieu qui l’entourait : le pasteur et les brebis, la vigne et les sarments, la barque et les filets, la semence que le semeur lance à la volée…

La Parole de Dieu est tombée dans notre âme. Quelle sorte de terre lui avons-nous préparée ? Les pierres y abondent-elles ? Est-elle étouffée par les épines ? Peut-être est-ce un lieu foulé par trop de pas humains, petits, mesquins ? Seigneur, fais que ma parcelle soit une bonne terre, fertile, exposée généreusement à la pluie et au soleil ; que ta semence y prenne racine : qu’elle produise des épis mûrs, du bon blé.

Je suis le cep : vous êtes les sarments. Le mois de septembre est arrivé et les ceps sont chargés de pousses longues, minces, souples et noueuses, pleines de fruits, déjà prêtes pour la vendange. Regardez ces sarments alourdis de la sève qu’ils ont reçue du tronc : grâce à elle les minuscules pousses d’il y a quelques mois se sont transformées en une pulpe douce et mûre, qui comblera de joie les yeux et le cœur des hommes. Peut-être reste-t-il par terre quelques brindilles éparses, à demi enterrées. C’était aussi des sarments, mais secs, desséchés au soleil d’août. Ils sont le symbole le plus parlant de la stérilité. Car hors de moi vous ne pouvez rien faire.

Le trésor. Pensez à la joie immense de celui qui a la chance de le trouver. Les gênes, les angoisses ont pris fin. Il vend tout ce qu’il possède et achète ce champ. Son cœur tout entier bat là où est cachée sa richesse. Le Christ est notre trésor : jeter par-dessus bord tout ce qui est inutile pour pouvoir le suivre ne doit pas nous coûter. Et la barque, délestée de tout ce qui est inutile, filera droit vers ce port tranquille qu’est l’Amour de Dieu.