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4 points de « Amis de Dieu » sont liés à la thématique Travail → travail bien fait .

Commencer est à la portée de beaucoup, finir, à celle d’un petit nombre. Nous qui nous efforçons de nous comporter en enfants de Dieu, nous devons faire partie de ce petit nombre. Ne l’oubliez pas : seules les tâches qui sont finies avec amour, bien achevées, méritent l’éloge du Seigneur tel qu’on peut le lire dans la Sainte Écriture : Mieux vaut la fin d’une chose que son début.

Peut-être m’avez-vous déjà entendu raconter cette anecdote au cours d’autres causeries ; je tiens quand même à vous la rappeler, parce qu’elle est très parlante et très instructive. Il m’est arrivé, un jour, de chercher dans le Rituel romain la formule pour bénir la dernière pierre d’un édifice, la plus importante, car elle rassemble, symboliquement, le travail dur, acharné et persévérant de bien des personnes, pendant de longues années. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’il n’y en avait pas, et que je devais me contenter d’une benedictio ad omnia, d’une bénédiction générique. Il me semblait difficile, je l’avoue, d’admettre l’existence d’une telle lacune, et je me remis à lire lentement, mais en vain, l’index du Rituel.

Bien des chrétiens ne sont plus convaincus que la vie intègre que le Seigneur réclame de ses enfants exige qu’ils apportent un soin tout particulier à exécuter leurs tâches individuelles, qu’ils doivent sanctifier ces tâches en descendant jusqu’aux moindres détails.

Nous ne pouvons pas offrir au Seigneur quelque chose qui, dans les limites de notre pauvre humanité, ne serait pas parfait, sans tache, soigneusement accompli, même dans les détails les plus infimes : Dieu n’accepte pas ce qui est bâclé. Vous n’offrirez rien qui ait une tare, nous enjoint la Sainte Écriture, car cela ne vous ferait pas agréer de Dieu. C’est pourquoi, le travail de chacun d’entre nous, cette tâche qui occupe nos journées et nos énergies, doit être une offrande digne du Créateur, operatio Dei, travail de Dieu et pour Dieu : en un mot, une activité bien accomplie, irréprochable.

Je ne vous parle pas d’idéaux imaginaires. Je m’en tiens à une réalité très concrète, d’une importance capitale, capable de transformer le milieu le plus païen et le plus hostile aux exigences divines, comme cela s’est produit aux premiers temps de l’ère de notre Salut. Savourez ces propos d’un auteur anonyme de cette époque, qui résume ainsi la grandeur de notre vocation : Les chrétiens sont pour le monde ce que l’âme est pour le corps. Ils vivent dans le monde mais ne sont pas mondains, de même que l’âme est dans le corps alors qu’elle n’est pas corporelle. Ils habitent toutes les nations comme l’âme qui est partout dans le corps. Ils agissent de par leur vie intérieure sans se faire remarquer, comme l’âme le fait de par son essence… Ils vivent en pèlerins au milieu des choses périssables dans l’espoir de l’incorruptibilité des cieux, comme l’âme immortelle vit maintenant sous une tente mortelle. Ils se multiplient jour après jour sous les persécutions comme l’âme s’embellit par la mortification… Et il ne leur est pas plus licite d’abandonner leur mission dans le monde, qu’il n’est permis à l’âme de se séparer volontairement du corps.

Aussi ferions-nous fausse route si nous nous désintéressions des affaires temporelles : là aussi, le Seigneur nous attend. Soyez-en convaincus, c’est au travers des circonstances de la vie ordinaire, ordonnées ou bien permises par la Providence, dans sa Sagesse infinie, que les hommes doivent se rapprocher de Dieu. Nous n’atteindrons pas cet objectif si nous ne cherchons pas à bien terminer notre tâche ; si nous ne persévérons pas dans l’élan du travail commencé avec un enthousiasme humain et surnaturel ; si nous ne remplissons pas notre tâche comme le meilleur de nos collègues et, si possible — je pense que ce le sera, si tu le veux réellement —, mieux que le meilleur, car nous nous servirons de tous les moyens honnêtes de la terre, ainsi que des moyens spirituels nécessaires pour offrir à notre Seigneur un travail soigné, achevé comme un filigrane, en un mot, accompli.

Faire du travail une prière

Je me rappelle aussi mon séjour à Burgos, à cette même époque. Ils accouraient nombreux, pendant leurs permissions, y passer quelques jours avec moi, sans compter ceux qui étaient détachés dans des casernes proches. Pour tout logement, je partageais avec quelques-uns de mes fils la même chambre d’un hôtel délabré où nous manquions du strict nécessaire. Pourtant, nous nous arrangions pour fournir à ceux qui arrivaient, il y en avait des centaines, de quoi se reposer et reprendre des forces.

J’avais l’habitude de me promener le long des berges de l’Arlanzon, tout en leur parlant, en écoutant leurs confidences, en essayant de les orienter par un conseil opportun, capable de les raffermir ou de les ouvrir à de nouveaux horizons de vie intérieure ; et je ne cessais, avec l’aide de Dieu, de les encourager, de les stimuler, de les enflammer dans leur conduite chrétienne. Certains jours, nos promenades nous menaient jusqu’au monastère de Las Huelgas ; d’autres fois, nous faisions un détour par la cathédrale.

J’aimais monter à l’une des tours et leur faire contempler de près l’arête du toit, véritable dentelle de pierre, fruit d’un labeur patient, coûteux. Au cours de ces conversations, je leur faisais remarquer que d’en bas l’on n’apercevait pas cette merveille ; et, pour mieux matérialiser ce que je leur avais si souvent expliqué, je faisais ce commentaire : voilà le travail de Dieu, l’œuvre de Dieu ! achever son travail personnel à la perfection, avec la beauté et la splendeur de ces délicates dentelles de pierre. Ils comprenaient alors, devant cette réalité qui parlait d’elle-même, que tout cela était prière, magnifique dialogue avec le Seigneur. Ceux qui usèrent leurs forces à cette tâche, savaient parfaitement que leur effort ne pourrait pas être apprécié à partir des rues de la ville : il était uniquement pour Dieu. Comprends-tu maintenant que la vocation professionnelle peut rapprocher du Seigneur ? Essaye de faire comme ces tailleurs de pierre, et ton travail deviendra aussi operatio Dei, un travail humain, à l’âme et aux caractéristiques divines.

Nous sommes convaincus que Dieu se trouve partout. Aussi nous cultivons les champs en louant le Seigneur, nous sillonnons les mers et exerçons tous les autres métiers en chantant ses miséricordes. Nous demeurons ainsi unis à Dieu à tout instant. Même lorsque vous vous trouverez isolés, hors de votre cadre habituel — comme ces jeunes dans leurs tranchées —, vous serez entièrement plongés dans le Christ notre Seigneur, grâce à un travail personnel soutenu et assidu, que vous aurez su transformer en prière, l’ayant commencé et achevé en présence de Dieu le Père, de Dieu le Fils et de Dieu le Saint-Esprit.

Mais n’allez pas oublier que vous vivez aussi en présence des hommes, et qu’ils attendent de vous — de toi ! — un témoignage chrétien. Voilà pourquoi, dans notre occupation professionnelle, dans ce qui est humain, nous devons agir de telle sorte que si quelqu’un qui nous connaît et nous aime nous voit travailler, nous n’ayons pas à en rougir, et que nous ne lui donnions pas de raison d’en avoir honte. Si votre conduite s’inspire de l’esprit que j’essaie de vous inculquer, ceux qui vous font confiance n’auront pas à rougir de vous, et le rouge ne vous montera pas au front. Il ne vous arrivera pas ce qui est arrivé au personnage d’une parabole qui avait décidé d’élever une tour : Après avoir posé les fondations et se trouvant ensuite incapable d’achever, tous ceux qui le voyaient se mettaient à se moquer de lui, en disant : voilà un homme qui a commencé de bâtir et a été incapable d’achever !

Je vous assure que si vous ne perdez pas le point de vue surnaturel, vous couronnerez votre travail, vous terminerez votre cathédrale jusqu’à en poser la dernière pierre.

Références à la Sainte Écriture
Références à la Sainte Écriture