Liste des points

2 points de « Entretiens » sont liés à la thématique Mariage → indissolubilité.

Nous voudrions entamer cette interview par une question qui suscite, dans de nombreux esprits, les interprétations les plus diverses : l’aggiornamento. Quel est, à votre avis, le véritable sens de ce mot, appliqué à la vie de l’Église ?

Fidélité. Pour moi, aggiornamento signifie avant tout : fidélité. Un mari, un soldat, un administrateur est d’autant meilleur mari, d’autant meilleur soldat, d’autant meilleur administrateur qu’il affronte plus fidèlement, à chaque instant, toute nouvelle circonstance de sa vie, et répond aux fermes engagements d’amour et de justice qu’il a pris un jour. Cette fidélité opérante, délicate et constante qui est difficile, – comme est difficile toute application de principes à la réalité changeante des contingences – est, pour cette raison même, la meilleure défense de la personne contre le vieillissement de l’esprit, l’aridité du cœur et la sclérose mentale.

Il en va de même pour la vie des institutions, et très singulièrement pour la vie de l’Église, qui obéit, non pas à un projet précaire de l’homme, mais à un dessein de Dieu. La Rédemption, le salut du monde, sont nés de la fidélité aimante et filiale de Jésus-Christ – et de nous-mêmes avec Lui – à la volonté du Père céleste qui l’a envoyé. C’est pourquoi l’aggiornamento de l’Église – aujourd’hui comme à toute autre époque – est fondamentalement ceci : une réaffirmation joyeuse de la fidélité du Peuple de Dieu à la mission reçue, à l’Évangile.

Il est clair que cette fidélité vivante et actuelle dans chaque circonstance de la vie des hommes, peut exiger, et, en fait, a maintes fois exigé, au cours de l’histoire deux fois millénaire de l’Église, et récemment au concile Vatican II, des développements doctrinaux, dictés par l’événement, dans l’exposé des richesses du depositum fidei, de même que des changements appropriés et des réformes qui perfectionnent – dans leur élément humain, perfectible – les structures de l’organisation et les méthodes missionnaires et apostoliques. Mais il serait pour le moins superficiel de penser que l’aggiornamento consiste d’abord à changer, ou que tout changement aggiorna. Il suffit de songer qu’il ne manque pas de gens, en marge de la doctrine conciliaire et contrairement à elle, pour désirer aussi des changements qui feraient revenir plusieurs siècles en arrière – jusqu’à la période féodale pour le moins – le chemin progressif du Peuple de Dieu.

Certaines femmes – pour quelque raison que ce soit – se trouvent séparées de leur mari, et vivent dans des situations dégradantes et intolérables. En pareils cas, il leur est difficile d’accepter l’indissolubilité du lien matrimonial. Ces femmes, séparées de leur mari, se plaignent qu’on leur refuse la possibilité de construire un nouveau foyer. Quelle solution donneriez-vous à ces problèmes ?

Je dirais à ces femmes, dont je comprends la souffrance, qu’elles peuvent aussi voir dans cette situation la volonté de Dieu, qui n’est jamais cruel, car Dieu est un Père aimant. Il est possible que, pendant un certain temps, la situation soit particulièrement difficile, mais, si ces femmes ont recours au Seigneur et à sa Mère bénie, l’aide de la grâce ne leur manquera pas.

L’indissolubilité du mariage n’est pas un caprice de l’Église, ni même une simple loi positive ecclésiastique : elle relève de la loi naturelle, du droit divin, et répond parfaitement à notre nature et à l’ordre surnaturel de la grâce. C’est pourquoi, dans l’immense majorité des cas, elle est la condition indispensable du bonheur des conjoints, et de la sécurité spirituelle des enfants. Et toujours – même dans les cas douloureux dont nous parlons – l’acceptation totale de la volonté de Dieu comporte une profonde satisfaction que rien ne peut substituer. Il ne s’agit pas d’une sorte de recours, d’une sorte de consolation : c’est l’essence même de la vie chrétienne.

Si ces femmes ont déjà des enfants à charge, elles doivent y voir une exigence continue du don de soi, par amour maternel, d’autant plus nécessaire alors qu’elles doivent suppléer, auprès de ces âmes, aux déficiences d’un foyer divisé. Et elles doivent comprendre généreusement que cette indissolubilité, qui implique pour elles un sacrifice, est pour la plupart des familles une défense de leur intégrité, une chose qui ennoblit l’amour des époux et empêche l’abandon des enfants.

Cet étonnement devant la dureté apparente du précepte chrétien de l’indissolubilité n’a rien de nouveau : les apôtres s’étonnèrent lorsque Jésus le confirma. Cela peut sembler un fardeau, un joug ; mais le Christ lui-même a dit que son joug était doux et son fardeau léger.

D’un autre côté, même en reconnaissant la dureté inévitable de certaines situations – qui, dans bien des cas, auraient pu et dû être évitées –, il convient de ne pas dramatiser exagérément. La vie d’une femme dans ces conditions est-elle réellement plus dure que celle d’une autre femme maltraitée ou de celle qui subit une de ces grandes souffrances physiques on morales que l’existence apporte ?

Ce qui rend vraiment malheureuse une personne – et même une société entière – c’est la recherche anxieuse du bien-être, la tentative inconditionnelle d’éliminer tout ce qui contrarie. La vie présente mille facettes, des situations extrêmement diverses, dont certaines sont âpres, et d’autres aisées, en apparence peut-être. Chacune d’elles comporte sa grâce d’état, est un appel original de Dieu : une occasion inédite de travailler, de donner le témoignage divin de la charité. À celui qui se sent accablé par une situation difficile, je conseillerais de chercher également à oublier un peu ses propres problèmes, pour s’occuper de ceux des autres ; en agissant de la sorte, il trouvera plus de paix, et, surtout, il se sanctifiera.