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3 points de « Quand le Christ passe » sont liés au thème "Persévérance".

Pour vivre ainsi, pour sanctifier sa profession, il faut avant tout bien travailler, avec tout le sérieux humain et surnaturel nécessaire. Je veux vous rappeler maintenant, par contraste, ce que raconte l’un des anciens récits des Evangiles apocryphes : Le père de Jésus, qui était charpentier, fabriquait des socs et des jougs. Un jour —continue le récit —, on lui commanda un lit pour une personne de haute condition. Mais il se trouva que l’un des côtés était plus court que l’autre, et Joseph ne savait que faire. Alors, l’Enfant Jésus dit à son père : Mets les deux bouts de bois par terre, au même niveau. Joseph fit ainsi. Jésus se mit de l’autre côté, prit le bois le plus court et l’étira à la même longueur que l’autre. A la vue du prodige, Joseph, son père, s’émerveilla, et serrant l’Enfant dans ses bras, le couvrit de baisers en disant : Que je suis heureux que Dieu m’ait donné cet Enfant.

Joseph n’a pas dû rendre grâce pour cela, car son travail ne pouvait être ainsi. Il n’est pas l’homme des solutions faciles et miraculeuses, mais de la persévérance, de l’effort et, si besoin est, de l’ingéniosité. Le chrétien sait que Dieu fait des miracles : qu’il en a fait il y a des siècles, qu’il a continué ensuite et qu’il continue encore maintenant à en faire, car non est abreviata manus Domini, le pouvoir de Dieu n’a pas diminué.

Mais les miracles sont une manifestation de la toute-puissance salvatrice de Dieu, non un expédient pour réparer les conséquences de notre incompétence ou pour faciliter la commodité. Le miracle que vous demande le Seigneur c’est de persévérer dans votre vocation divine de chrétien, c’est de sanctifier le travail de chaque jour : le miracle de transformer en alexandrins, en vers héroïques, la prose de chaque jour, avec l’amour que vous mettez dans vos occupations habituelles. C’est là que Dieu vous attend. Il attend que vous soyez des âmes responsables, remplies de l’ardent désir de faire de l’apostolat, et compétentes dans leur travail.

C’est pourquoi je puis vous suggérer, pour votre travail, cette devise : pour servir, servir. Parce que, pour faire les choses, il faut d’abord savoir les achever. Je ne crois pas en la droiture d’intention d’une personne qui ne s’efforce pas d’acquérir la compétence nécessaire pour bien accomplir les tâches qui lui ont été confiées. Il ne suffit pas de vouloir faire le bien, il faut d’abord savoir le faire. Et si nous le voulons vraiment, ce désir se traduira par un souci d’employer les moyens adéquats pour atteindre au fini, à la perfection humaine, dans ce que nous faisons.

Mais un ennemi très puissant, qui s’oppose à notre désir d’incarner pleinement la doctrine du Christ, nous guette : l’orgueil, qui nous empêche de chercher à découvrir, derrière les échecs et les défaites, la main bienfaisante et miséricordieuse du Seigneur. C’est alors que l’âme s’assombrit tristement et se croit perdue. Notre imagination crée des obstacles qui n’existent pas et qui disparaissent si nous les considérons avec tant soit peu d’humilité. L’âme se laisse parfois entraîner par cet orgueil et cette imagination dans un tortueux calvaire ; mais là n’est pas le Christ, car là ou il se trouve, règnent la paix et la joie, même si l’âme est torturée et entourée de ténèbres.

Un autre ennemi subtil de notre sanctification consiste à penser que nous devons mener cette bataille intérieure contre des obstacles extraordinaires, contre des dragons crachant le feu. C’est une autre manifestation d’orgueil. Nous voulons bien lutter, mais de façon solennelle, accompagnés de la sonnerie des trompettes et du roulement des tambours.

Nous devons nous persuader que le plus grand ennemi du rocher n’est ni la pioche, ni la hache, ni quelque autre instrument, quelle que soit sa force de pénétration : c’est le filet d’eau qui s’infiltre goutte à goutte entre les fissures de la roche, jusqu’à en ruiner les structures. Le plus grand danger, pour un chrétien, c’est de négliger la lutte dans ces petites escarmouches qui entament peu à peu l’âme, jusqu’à la laisser en ruine, brisée, indifférente et insensible aux appels divins.

Écoutons le Seigneur qui nous dit : celui qui est fidèle dans les petites choses l’est aussi dans les grandes, et celui qui manque à la justice dans les petites choses y manque aussi dans les grandes. C’est comme s’il nous rappelait ceci : lutte à chaque instant dans ces détails qui peuvent te sembler insignifiants mais qui sont grands à mes yeux ; accomplis ponctuellement ton devoir ; souris à celui qui en a besoin, même si tu souffres ; consacre sans remords le temps nécessaire à la prière ; viens en aide à celui qui te cherche ; pratique la justice, en la dépassant avec la grâce de la charité.

Nous ressentirons à l’intérieur de nous-mêmes ces invitations et beaucoup d’autres semblables. C’est un conseil silencieux qui nous pousse à poursuivre notre entraînement dans cette lutte surnaturelle contre nous-mêmes. Que la lumière de Dieu nous illumine, pour que nous percevions ses avertissements. Qu’il nous aide à lutter, qu’il soit à nos côtés dans la victoire ; qu’il ne nous abandonne pas à l’heure de la chute, pour que nous soyons toujours en état de nous relever et de poursuivre le combat.

Nous ne pouvons nous arrêter. Le Seigneur nous demande de mener un combat toujours plus vif, toujours plus profond, toujours plus étendu. Nous sommes obligés de nous dépasser, parce que, dans cette compétition, notre seul but est de parvenir à la gloire du ciel. Et si nous n’y arrivons pas, nous aurons perdu notre peine.

Les sacrements de la grâce de Dieu

La meilleure manière de ne jamais perdre notre audace apostolique, cette soif authentique de servir tous les hommes, n’est autre que la plénitude de la vie de foi, d’espérance et d’amour ; en un mot, la sainteté. Je ne vois pas d’autre recette que celle-là : la sainteté personnelle.

Aujourd’hui, en union avec toute l’Église, nous célébrons le triomphe de la Mère, de la Fille et de l’Épouse de Dieu. Et, tout comme nous nous réjouissons, au moment de la Résurrection du Seigneur, trois jours après sa mort, nous nous réjouissons maintenant parce que Marie, après avoir accompagné Jésus de Bethléem à la Croix, est à côté de lui, avec son corps et avec son âme, et jouit de la gloire pour toute l’éternité. Telle est la mystérieuse économie divine : Notre Dame, en raison de sa participation complète à l’œuvre de notre salut, devait suivre de près les pas de son Fils : la pauvreté de Bethléem, la vie cachée de travail ordinaire à Nazareth, la manifestation de la divinité à Cana de Galilée, les outrages de la Passion, le divin Sacrifice de la Croix et l’éternelle béatitude du Paradis.

Tout cela nous concerne directement, car ce chemin surnaturel doit être aussi le nôtre. Marie nous montre que cette voie est praticable et qu’elle est sûre. Elle nous a précédé sur le chemin de l’imitation du Christ, et la glorification de Notre Mère représente pour nous la ferme espérance de notre salut. C’est pourquoi nous l’appelons spes nostra et causa nostræ lætitiæ, notre espérance et la cause de notre joie.

Nous ne pourrons jamais perdre l’assurance d’arriver à être saints, de répondre aux appels de Dieu, et de persévérer jusqu’au bout. Dieu, qui a commencé en nous l’oeuvre de notre sanctification, la mènera à son terme. Car si le Seigneur est pour nous, qui peut être contre nous ? Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don de tout avec lui ?

En cette fête, tout nous invite à la joie. La ferme espérance de notre sainteté personnelle est un don de Dieu. Mais l’homme ne peut demeurer passif. Rappelez-vous ces mots du Christ : Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renonce lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Vous voyez ? La croix, chaque jour. Nulla dies sine cruce ! pas un jour sans la Croix : pas une seule journée sans nous charger de la croix du Seigneur, sans prendre sur nous son joug. C’est pourquoi je n’ai pas voulu omettre non plus de vous rappeler que la joie de la Résurrection est la conséquence de la douleur de la Croix.

N’ayez crainte, cependant, car le Seigneur lui-même nous a dit : Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau : c’est moi qui vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école :je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du soulagement pour votre être, car mon joug est agréable et mon fardeau léger. Venez — commente saint Jean Chrysostome —, non pas pour rendre compte mais pour être délivrés de vos péchés venez, car je n’ai pas besoin de votre gloire, celle que vous pouvez m’apporter : j’ai besoin de votre salut. n’ayez pas peur, en entendant parler de joug, car il est doux ; n’ayez pas peur si je parle de fardeau, car il est léger.

Le chemin de notre sanctification personnelle passe, chaque jour, par la Croix : ce n’est pas un chemin morose, car c’est le Christ lui-même qui nous aide : et avec lui il n’y a pas de place pour la tristesse. In lætitia, nulla dies sine cruce ! me plaît-il de répéter ; avec l’âme débordante de joie, pas un jour sans la Croix.

La joie chrétienne

Références à la Sainte Écriture
Références à la Sainte Écriture