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3 points de « Quand le Christ passe » sont liés à la thématique Amour de Dieu → Amour de Dieu dans l'Eucharistie .

La veille de la fête solennelle de Pâques, Jésus, sachant que l’heure de son départ de ce monde était venue, comme il avait aimé les siens qui vivaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout. Ce verset de saint Jean annonce au lecteur de son Évangile que quelque chose de grand arrivera ce jour-là. C’est un préambule tendrement affectueux, identique à celui que saint Luc recueille dans son récit : J’ai désiré ardemment — affirme le Seigneur — manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. Nous commençons par demander dès maintenant au Saint-Esprit de nous préparer à comprendre chaque geste et chaque expression de Jésus-Christ. Parce que nous voulons vivre une vie surnaturelle, parce que le Seigneur nous a manifesté sa volonté de se donner à nous comme aliment de notre n°, et parce que nous reconnaissons que lui seul a des paroles de vie éternelle.

La foi nous fait confesser avec Simon-Pierre : Nous, nous avons cru et nous avons su que tu es le Christ, le Fils de Dieu. Et c’est cette foi qui, unie à notre dévotion en ce moment sublime, nous pousse à imiter l’audace de Jean : à nous approcher de Jésus et à incliner la tête sur la poitrine du Maître, qui aimait ardemment les siens et — nous venons de l’entendre — allait les aimer jusqu’à la fin.

Le langage est bien pauvre pour expliquer, même approximativement, le mystère du Jeudi Saint. Mais il n’est pas difficile d’imaginer en partie les sentiments qu’avait Jésus en son cœur, lors de cette dernière soirée qu’il passait avec les siens avant le sacrifice du Calvaire.

Pensez à l’expérience, si humaine, de la séparation de deux êtres qui s’aiment. Ils aimeraient être toujours ensemble, mais le devoir — quel qu’il soit — les oblige à s’éloigner l’un de l’autre. Ils désireraient rester ensemble et ils ne le peuvent pas. L’amour de l’homme, si grand soit-il, a des limites ; il a recours à un symbole. Ceux qui se quittent échangent un souvenir ; peut-être une photographie, avec une dédicace si enflammée qu’on est surpris que le papier n’en brûle pas. Ils ne peuvent pas faire davantage : les désirs des créatures dépassent tellement leurs possibilités.

Ce que nous ne pouvons pas, le Seigneur le peut. Jésus-Christ, Dieu parfait et homme parfait, ne nous laisse pas un symbole, mais la réalité : il reste lui-même. Il ira vers le Père, mais il restera avec les hommes. Il ne nous laissera pas un simple cadeau qui nous fasse évoquer sa mémoire, une image qui tende à s’effacer avec le temps, comme la photographie qui rapidement pâlit, jaunit, et n’a pas de sens pour ceux qui n’ont pas vécu ce moment d’amour. Sous les espèces du pain et du vin, il est là, réellement présent : avec son Corps, son Sang, son Âme et sa Divinité.

La joie du Jeudi Saint

J’aimerais que la considération de tout cela nous amène à prendre conscience de notre mission de chrétiens et à tourner notre regard vers la Sainte Eucharistie, vers Jésus qui, présent parmi nous, nous a constitués comme membres de son corps : vos estis corpus Christi et membra de membro, vous êtes le corps du Christ et vous êtes des membres unis à d’autres membres. Notre Dieu a décidé de demeurer dans le Tabernacle pour nous alimenter, pour nous fortifier, pour nous diviniser, pour rendre efficace notre tâche et notre effort. Jésus est en même temps le semeur, la semence et le fruit des semailles : il est le Pain de la vie éternelle.

Ce miracle, miracle continuellement renouvelé, de la Sainte Eucharistie, possède toutes les caractéristiques de la façon d’agir de Jésus. Dieu parfait et homme parfait, Seigneur du ciel et de la terre, il s’offre à nous en nourriture de la manière la plus naturelle et la plus ordinaire. C’est ainsi qu’il attend notre amour depuis près de deux mille ans. C’est à la fois beaucoup et peu de temps car, quand il y a l’amour, les jours passent vite.

Il me revient à la mémoire une merveilleuse poésie de Galice, l’une des Complaintes d’Alphonse X le Sage. C’est la légende d’un moine qui, dans sa simplicité, supplia la Vierge Marie de lui laisser contempler le ciel, ne fût-ce qu’un instant. La Vierge accéda à son désir et le bon moine fut transporté au paradis. A son retour, il ne reconnaissait aucun des habitants du monastère : sa prière, bien qu’elle lui eût paru très brève, avait duré trois siècles. Trois siècles, ce n’est rien pour un cœur amoureux. C’est ainsi que je m’explique les deux mille ans d’attente du Seigneur dans l’Eucharistie : c’est l’attente de Dieu, qui aime les hommes, qui nous cherche, qui nous aime tels que nous sommes — limités, égoïstes, inconstants — mais capables de découvrir sa tendresse infinie et de nous donner entièrement à lui.

C’est par amour et pour nous apprendre à aimer que Jésus est venu sur terre et qu’il est demeuré parmi nous dans l’Eucharistie. Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin. C’est par ces mots que saint Jean commence le récit de ce qui arriva la veille de la Pâque, lorsque Jésus, nous rapporte saint Paul, prit du pain et, après avoir rendu grâces, le rompit et dit : “Ceci est mon corps, qui sera livré pour vous ; faites ceci en mémoire de moi.” De même, après le repas, il prit la coupe en disant : “Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; toutes les fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi.”.

Une vie nouvelle

C’est l’instant simple et solennel de l’institution du Nouveau Testament, Jésus abroge l’ancienne économie de la Loi et nous révèle qu’il sera lui-même le contenu de notre prière et de notre vie.

Remarquez la joie qui envahit la liturgie d’aujourd’hui : que notre louange soit pleine, qu’elle soit sonore, qu’elle soit joyeuse. C’est la jubilation chrétienne qui chante l’arrivée d’un temps nouveau : l’ancienne Pâque s’est achevée, c’est la nouvelle qui commence. L’ancien fait place au nouveau, l’ombre à la réalité, la nuit est chassée par le jour.

Miracle d’amour. C’est vraiment le pain des enfants : Jésus, le Premier né du Père Eternel, s’offre à nous en nourriture. Et c’est le même Jésus-Christ qui nous fortifie ici-bas et qui nous attend dans le ciel en tant que commensaux, cohéritiers et concitoyens ; en effet ceux qui se nourrissent du Christ mourront de la mort terrestre et temporelle, mais vivront éternellement, parce que le Christ est la vie impérissable.

Pour le chrétien qui se fortifie par la manne impérissable de l’Eucharistie, le bonheur éternel commence dès à présent. Ce qui est vieux appartient au passé : laissons de côté ce qui est périssable ; que tout soit nouveau pour nous : les cœurs, les mots et les actes.

Telle est la Bonne Nouvelle. C’est une nouveauté, une nouvelle, en ce sens qu’elle nous révèle une profondeur d’amour que nous ne soupçonnions pas jusqu’alors. Elle est bonne, parce que rien n’est meilleur que de nous unir intimement à Dieu, le Bien de tous les biens. C’est la Bonne Nouvelle, parce que, d’une certaine façon, elle est pour nous une anticipation mystérieuse de l’éternité.

Approcher Jésus grâce à la Parole et au Pain