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3 points de « Quand le Christ passe » sont liés à la thématique Confession → conversion.

Nous voici entrés dans le temps du Carême : temps de pénitence, de purification, de conversion. Ce n’est pas là une tâche aisée. Le christianisme n’est pas un chemin commode : il ne suffit pas d’être dans l’Église et de laisser passer les années. Dans notre vie, dans la vie des chrétiens, la première conversion est importante — ce moment unique, dont chacun se souvient, où l’on découvre clairement tout ce que nous demande le Seigneur ; mais plus importantes encore, et plus difficiles, se révèlent les conversions suivantes. Et pour faciliter l’action de la grâce divine à travers les conversions postérieures, il faut garder une âme jeune, invoquer le Seigneur, savoir écouter, avoir découvert ce qui ne va pas, demander pardon.

Invocabit me et ego exaudiam eum, lisons-nous dans la liturgie de ce dimanche : si vous recourez à moi, dit le Seigneur, je vous écouterai. Considérez un instant cette merveilleuse sollicitude de Dieu à notre égard, de ce Dieu toujours disposé à nous écouter, attentif en permanence à la parole de l’homme. En tout temps — mais spécialement maintenant, parce que notre cœur est bien disposé, décidé à se purifier — il nous écoute, et il ne négligera pas le vœu d’un cœur contrit et humilié.

Oui, le Seigneur nous écoute pour intervenir, pour entrer dans notre vie, pour nous libérer du mal et nous combler de bien : eripiam eum et glorificabo eum, Je le libérerai et le glorifierai, dit-il de l’homme. Espérance de gloire, par conséquent, et nous avons là, une fois de plus, le point de départ de ce mouvement intime qu’est la vie spirituelle. L’espérance de cette glorification renforce notre loi et stimule notre charité. Ainsi se sont mises en mouvement les trois vertus théologales, ces vertus divines qui nous rendent semblables à Dieu notre Père.

La sécurité risquée du chrétien

Qui habitat in adiutorio Altissimi, in protectione Dei cœli commorabitur. Habiter sous la protection de Dieu, vivre avec Dieu : telle est la sécurité “risquée” du chrétien. Il nous faut être réellement persuadés que Dieu nous entend, qu’il est à l’écoute de nos besoins : alors notre cœur se remplira de paix. Pourtant, vivre avec Dieu, c’est indubitablement un risque, parce que le Seigneur ne se contente pas d’un partage : Il veut tout. S’approcher un peu plus de lui, signifie être disposé à une nouvelle conversion, à un nouveau redressement, être disposé à écouter plus attentivement ses inspirations, les saints désirs qu’il fait jaillir dans notre âme, et à les mettre en pratique.

Depuis notre première décision consciente de vivre, dans toute son intégralité, la doctrine du Christ, nous avons sûrement beaucoup avancé sur le chemin de la fidélité à sa Parole. Et pourtant, n’est-il pas vrai qu’il reste encore beaucoup à faire ? N’est-il pas vrai qu’il nous reste surtout trop d’orgueil ? Nous avons besoin, sans aucun doute, d’une nouvelle conversion, d’une loyauté plus entière, d’une humilité plus profonde, pour que le Christ croisse en nous et que notre égoïsme diminue, puisque illum oportet crescere, me autem minui, il faut que lui grandisse et que moi je diminue.

Il n’est pas possible de rester immobiles. Nous devons avancer vers le but que saint Paul nous indiquait : Si je vis, ce n’est plus moi, mais le Christ qui vit en moi. Haute et noble ambition que cette identification avec le Christ, qui suppose la sainteté. Mais il n’y a pas d’autre chemin si l’on désire être cohérent avec la vie divine que Dieu a fait naître dans notre âme par le baptême. Avancer, c’est progresser en sainteté ; reculer, c’est se refuser au développement normal de la vie chrétienne. Car ce feu de l’amour de Dieu a besoin d’être alimenté, de s’intensifier chaque jour en s’enracinant dans notre âme ; et c’est en brûlant de nouveaux éléments que le feu demeure vivant. C’est pourquoi, s’il ne s’étend pas, il est près de s’éteindre.

Rappelez-vous ces mots de saint Augustin : Si tu dis : ça suffit, tu es perdu. Aspire toujours à davantage, chemine sans cesse, progresse toujours. Ne reste pas au même endroit, ne recule pas, ne dévie pas.

Le Carême nous place, à présent, devant des questions fondamentales : est-ce que je progresse en fidélité au Christ ? En désirs de sainteté ? En générosité apostolique dans ma vie quotidienne, dans mon travail ordinaire parmi mes collègues ?

Que chacun, tout bas, réponde à ces questions ; et il verra à quel point est nécessaire cette nouvelle transformation, pour que le Christ vive en nous, pour que son image se reflète de façon limpide, dans notre conduite.

Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, se charge de sa croix chaque jour, et qu’il me suive. Le Christ nous le dit de nouveau, comme à l’oreille, dans l’intimité : la croix chaque jour. Non seulement — ajoute saint Jérôme — dans les temps de persécution ou lorsque se présente l’éventualité du martyre, mais en toute circonstance, tâche, pensée, parole, renions ce que nous étions auparavant, et confessons ce que nous sommes désormais, puisque nous sommes nés de nouveau dans le Christ.

Ces considérations-là ne sont, en réalité, que l’écho de celles qui nous viennent de l’Apôtre : jadis, vous étiez ténèbres, mais à présent, vous êtes lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité. Discernez ce qui plaît au Seigneur….

La conversion est œuvre d’un instant, la sanctification est la tâche de toute la vie. La semence divine de la charité, que Dieu a déposée dans notre âme, aspire à croître, à se manifester en œuvres, à produire des fruits qui répondent à tout moment à ce qui est agréable au Seigneur. Il est indispensable, pour cela, que nous soyons disposés à recommencer, à retrouver dans chaque nouvelle situation de notre vie — la lumière, l’élan de la première conversion. Voilà pourquoi nous devons nous y préparer par un examen profond, en demandant au Seigneur son aide pour mieux Le connaître et mieux nous connaître. Il n’y a pas d’autre chemin pour nous convertir de nouveau.

Le temps opportun

Saint Jean nous rapporte, dans son Évangile, une merveilleuse expression de la Vierge, au cours d’une scène que nous avons déjà évoquée, les noces de Cana. L’évangéliste nous raconte qu’en s’adressant aux serviteurs, Marie leur recommanda : Tout ce qu’il vous dira, faites-le. C’est bien de cela qu’il s’agit : amener les âmes à rencontrer Jésus face à face et à lui demander : Domine, quid me vis facere ?, Seigneur, que veux-tu que je fasse ?

L’apostolat chrétien — et je me réfère ici, concrètement, à celui d’un chrétien courant, à celui d’un homme ou d’une femme qui vit sans être rien de plus que ses semblables — est une grande catéchèse où, grâce aux rapports personnels et à une amitié loyale et authentique, on éveille chez les autres la faim de Dieu, et où on les aide à découvrir de nouveaux horizons ; avec naturel, avec simplicité, vous ai-je dit, par l’exemple d’une foi vécue à fond, par la parole aimable mais toute pleine de la force de la vérité divine.

Vous pouvez compter sur l’aide de Marie, Regina apostolorum. Notre Dame, sans cesser pour autant de se comporter comme une Mère, sait placer ses enfants devant leurs responsabilités précises. Ceux qui s’approchent d’elle et contemplent sa vie, Marie accepte toujours de les mener à la Croix, de leur faire contempler face à face l’exemple du Fils de Dieu. Et dans ce face à face où se décide la vie chrétienne, Marie intercède pour que notre conduite aboutisse à la réconciliation du petit frère — toi et moi — avec le Fils Premier-né du Père.

Nombre de conversions, nombre de décisions de se donner tout entier au service de Dieu ont été précédées d’une rencontre avec Marie. Notre Dame a suscité dans ces âmes un désir de dépassement et elle a stimulé maternellement cette inquiétude ; c’est elle qui les a fait aspirer à un changement, à une vie nouvelle. Voilà comment ce “tout ce qu’il vous dira, faites-le”, devient réalité : don amoureux, vocation chrétienne qui illumine dès lors toute notre vie personnelle.

Ce moment de conversation devant le Seigneur, où nous avons médité sur la dévotion et l’affection envers sa Mère, qui est aussi la nôtre, nous pouvons le conclure en ravivant notre foi. Le mois de mai vient de commencer. Le Seigneur désire que nous ne manquions pas cette occasion de croître en son Amour grâce à cette intimité avec sa Mère. Sachons avoir chaque jour à son égard des attentions d’enfants — petites choses, manifestations de délicatesse — qui deviendront de grandes réalités, en fait, de sainteté personnelle et d’apostolat, c’est-à-dire le désir ardent de contribuer sans relâche au salut que le Christ est venu apporter au monde.

Sancta Maria, spes nostra, ancilla Domini, sedes Sapientiæ, ora pro nobis !, Sainte Marie, notre espérance, servante du Seigneur, siège de la sagesse, priez pour nous !