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7 points de « Quand le Christ passe » sont liés à la thématique Rédemption → salut du monde.

Regardez : la Rédemption, consommée lors de la mort de Jésus dans la honte et dans la gloire de la Croix, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, se poursuivra par la volonté de Dieu jusqu’à ce que vienne l’heure du Seigneur. Il est impossible de vivre selon le cœur de Jésus sans se sentir envoyés comme lui, peccatores salvos facere, pour sauver tous les pécheurs, et convaincus de la nécessité de se confier chaque jour davantage à la miséricorde de Dieu. C’est pourquoi notre désir le plus ardent est de nous considérer comme corédempteurs avec le Christ, sauver avec lui toutes les âmes, parce que nous sommes, nous voulons être ipse Christus, Jésus-Christ lui-même, et lui s’est livré lui-même pour le rachat de tous.

Nous avons une grande tâche devant nous. Nous ne pouvons rester passifs, car le Seigneur nous a déclaré expressément : travaillez jusqu’à mon retour. Nous ne pouvons pas demeurer les bras croisés en attendant le retour du Seigneur, qui reviendra prendre pleine possession de son Royaume. Répandre le Royaume de Dieu n’est pas seulement la tâche officielle des membres de l’Église qui représentent le Christ parce qu’ils ont reçu de lui les pouvoirs sacrés. Vos autem estis corpus Christi, vous aussi vous êtes le corps du Christ, nous dit l’Apôtre, en nous donnant l’ordre formel de travailler jusqu’au bout.

Il reste tant à faire ! Est-ce qu’en vingt siècles on n’a rien fait ? En vingt siècles, on a beaucoup travaillé ; l’effort de certains pour rabaisser la tâche de ceux qui nous ont précédés ne me parait ni objectif ni honnête. En vingt siècles, on a beaucoup travaillé et souvent très bien. Certes, il y au eu aussi des erreurs, des reculs, de même qu’aujourd’hui on trouve des régressions, des peurs et des timidités, à côté de beaucoup de courage et de générosité Mais la famille humaine se renouvelle constamment. A chaque génération, il faut poursuivre l’effort, aider l’homme à découvrir la grandeur de sa vocation d’enfant de Dieu ; il faut inculquer le commandement de l’amour du Créateur et de notre prochain.

Nous ne pouvons pas nous cacher qu’il reste beaucoup à faire. Un jour, contemplant peut-être la douce ondulation des épis déjà mûrs, Jésus dit à ses disciples : la moisson est abondante, et les ouvriers sont peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Maintenant comme alors, on continue de manquer d’ouvriers qui acceptent de supporter le poids du jour et de la chaleur. Et si nous, qui travaillons, nous ne sommes pas fidèles, il arrivera ce qu’écrit le prophète Joël : La campagne est ravagée, les glèbes sont en deuil. Car les blés sont ravagés, le moût fait défaut, l’huile fraîche tarit. Soyez consternés, laboureurs, lamentez-vous, vignerons, sur le froment et sur l’orge, car elle est perdue la moisson des champs.

Il n’y a pas de récolte si l’on n’est pas disposé à accepter généreusement un travail constant qui peut devenir long et fatigant : labourer la terre, semer la semence, prendre soin des champs, faire la moisson et le battage… C’est dans l’histoire, c’est dans le temps que se construit le Royaume de Dieu. Le Seigneur nous a confié cette tâche à tous, et aucun de nous ne peut s’en sentir exempté. En adorant et en regardant aujourd’hui le Christ dans l’Eucharistie, pensons que l’heure du repos n’est pas encore venue, que la journée continue.

Il est dit dans le livre des Proverbes que qui cultive sa terre sera rassasié de pain. Essayons de nous appliquer le sens spirituel de ce passage : celui qui ne laboure pas le champ de Dieu, celui qui n’est pas fidèle à la mission divine de se donner aux autres, en les aidant à connaître le Christ, pourra difficilement comprendre ce qu’est le Pain Eucharistique. Personne n’attache de prix à ce qui ne lui a pas coûté d’effort. Pour apprécier et aimer la Sainte Eucharistie, il est nécessaire de parcourir le chemin du Christ : être blé, mourir à nous-mêmes, renaître pleins de vie et donner du fruit en abondance : cent pour un !

Ce chemin se résume en un seul mot : aimer. Aimer, c’est avoir le cœur grand, ressentir les préoccupations de ceux qui nous entourent, savoir pardonner et comprendre : se sacrifier, avec Jésus-Christ, pour toutes les âmes. Si nous aimons avec le cœur du Christ, nous apprendrons à servir et nous défendrons la vérité avec clarté et amour. Pour aimer de la sorte, il faut que chacun de vous extirpe de sa vie personnelle tout ce qui gêne la vie du Christ en lui : le goût du confort, la tentation de l’égoïsme, la tendance à briller. Ce n’est qu’en reproduisant en nous cette vie du Christ que nous pourrons la transmettre aux autres ; ce n’est qu’en faisant l’expérience de la mort du grain de blé que nous pourrons travailler dans les entrailles de la terre, la transformer de l’intérieur, la rendre féconde.

L’optimisme chrétien

Peut-être pouvons-nous parfois être tentés de penser que tout cela est aussi beau qu’un rêve irréalisable. Je vous ai parlé de renouveler votre foi et votre espérance ; demeurez fermes, pleinement assurés que nos désirs seront comblés par les merveilles de Dieu. Mais il est indispensable que nous nous amarrions réellement à la vertu chrétienne de l’espérance.

Ne nous habituons pas aux miracles qui se réalisent devant nous : ce prodige admirable du Seigneur qui descend chaque jour dans les mains du prêtre. Jésus veut que nous soyons en éveil pour que nous nous convainquions de la grandeur de sa puissance, et pour que nous entendions de nouveau sa promesse : Venite post me, et faciam vos fieri piscatores hominum, si vous me suivez, je vous ferai pêcheurs d’hommes, vous serez efficaces et vous attirerez les âmes à Dieu. Nous devons donc avoir confiance en ces paroles du Seigneur, monter dans la barque, saisir les rames, hisser les voiles et nous lancer dans cette mer du monde que le Christ nous remet en héritage. Duc in altum et laxate retia vestra in capturam ! : naviguez vers le large, et jetez vos filets pour pêcher.

Ce zèle apostolique que le Christ a mis dans notre cœur ne doit pas s’épuiser — s’éteindre — sous l’effet d’une fausse humilité. S’il est vrai que nous traînons nos misères personnelles, il n’est pas moins vrai que le Seigneur tient compte de nos erreurs. Le fait que les hommes soient des créatures, avec des limites, des faiblesses, des imperfections et l’inclination au péché, n’échappe pas à son regard miséricordieux. Mais il nous ordonne de lutter, de reconnaître nos défauts ; non pour nous en effrayer, mais pour nous repentir et susciter en nous le désir d’être meilleurs.

Nous devons en outre nous rappeler toujours que nous ne sommes que des instruments. Qu’est-ce donc qu’Apollos ? Et qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs par qui vous avez embrassé la foi, et chacun d’eux pour la part que le Seigneur lui a donnée. Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance. La doctrine, le message que nous devons répandre, a en lui-même une fécondité infinie, qui ne vient pas de nous, mais du Christ. C’est Dieu lui-même qui s’est engagé à réaliser l’œuvre du salut, à racheter le monde.

Si nous ne l’apprenons pas de Jésus, jamais nous n’aimerons. Si nous pensions, comme certains, que garder un cœur pur et digne de Dieu, consiste à le préserver, à ne pas le contaminer au contact de sentiments intensément humains, il en résulterait logiquement que nous serions insensibles à la douleur des autres. Nous ne serions plus capables que d’une charité officielle, sèche, sans âme, et non de la véritable charité de Jésus-Christ, qui est tendresse et chaleur humaine. Et je ne veux pas par là donner créance à des fausses théories qui sont en fait de tristes excuses pour dévier les cœurs — en les écartant de Dieu — et les conduire au danger et à la perdition.

En cette fête d’aujourd’hui, nous devons demander au Seigneur qu’il nous accorde un cœur bon, capable de sentir s’éveiller en lui la compassion à l’égard des peines des créatures, capable de comprendre que, pour porter remède aux tourments qui assaillent, et bien souvent angoissent, les âmes en ce monde, le véritable baume est l’amour, la charité: toutes les autres consolations servent à peine à distraire un moment pour ne laisser, plus tard, qu’amertume et désespoir.

Si nous voulons aider les autres, nous devons les aimer — j’insiste — d’un amour fait de compréhension, de don de soi, d’affection et d’humilité volontaire. Alors nous comprendrons pourquoi le Seigneur a choisi de résumer toute la Loi en ce double commandement qui n’en fait, en réalité, qu’un seul et unique: l’amour de Dieu et l’amour du prochain, de tout notre cœur.

Vous allez peut-être penser, maintenant, que souvent, nous, les chrétiens — non pas les autres, mais toi et moi —, nous oublions les applications les plus élémentaires de ce devoir. Vous pensez peut-être à tant d’injustices auxquelles on ne porte nul remède, à ces abus qui restent impunis, à ces situations injustes qui se transmettent d’une génération à l’autre sans que l’on songe à leur apporter une solution radicale.

Je ne peux vous proposer une manière concrète de résoudre ces problèmes — et d’ailleurs je n’ai pas à le faire. Mais, en tant que prêtre du Christ, il est de mon devoir de vous rappeler ce que dit la Sainte Écriture. Méditez, dans la scène du jugement que Jésus lui-même a décrite, ce: Allez, loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été prépare par le Diable et ses anges. Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger, j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire, j’étais un étranger et vous ne m’avez pas accueilli, nu et vous ne m’avez pas vêtu, malade et prisonnier, et vous ne m’avez pas visité.

Un homme ou une société qui demeurent passifs devant les tribulations ou les injustices, qui ne s’efforcent pas de les soulager, n’est pas à la mesure de l’amour du Cœur du Christ. Les chrétiens — tout en conservant leur liberté d’étudier et de mettre en œuvre différentes solutions, en fonction d’un pluralisme légitime —, doivent avoir en commun ce même désir de servir l’humanité. Sinon, leur christianisme ne sera pas la Parole et la Vie de Jésus: ce sera un déguisement, une mascarade devant Dieu et devant les hommes.

La paix du Christ

Vivre dans le Cœur de Jésus, nous unir intimement à lui, c’est donc devenir la demeure de Dieu. Celui qui m’aime sera aimé de mon Père, nous a annoncé le Seigneur. Le Christ et le Père, dans le Saint-Esprit, viennent donc dans notre âme pour y établir leur demeure.

Lorsque nous comprenons, si peu que ce soit ces vérités fondamentales, notre manière d’être se transforme. Nous avons faim de Dieu, et nous faisons nôtres ces paroles du Psaume: Mon Dieu, je te cherche de tous mes sens, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre sèche, altérée, sans eau. Et Jésus, qui a suscité lui-même ces élans, vient à notre rencontre pour nous dire: Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi. Il nous offre son Cœur pour que nous trouvions le repos et la force. Si nous accueillons son appel, nous éprouverons la vérité de ses paroles: notre faim, notre soif croîtront au point de désirer que Dieu établisse en notre cœur le lieu de son repos et qu’il n’éloigne pas de nous sa chaleur et sa lumière.

Ignem veni mittere in terram, et quid volo nisi ut accendatur ? Je suis venu apporter le feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé !. Nous nous sommes rapprochés un peu de ce feu de l’amour divin; que son impulsion ébranle nos vies, nous pousse à transmettre le feu divin d’une extrémité à l’autre du monde, pour le répandre chez ceux qui nous entourent: afin qu’eux aussi découvrent la paix du Christ et, avec elle, le bonheur. Un chrétien qui vit uni au Cœur de Jésus, ne peut avoir d’autre but que la paix dans la société, la paix dans l’Église, la paix dans son âme, la paix de Dieu, qui sera consommée lorsque son Règne viendra jusqu’à nous.

Marie, Regina pacis, Reine de la Paix, toi qui as eu la foi, toi qui as cru à l’accomplissement de la promesse de l’ange, aide-nous à croître dans la foi, à être fermes dans l’espérance, à pénétrer profondément dans l’Amour. Car c’est bien ce qu’attend de nous aujourd’hui ton Fils, lorsqu’il nous révèle son Cœur Très Sacré.

Pensons un peu à ce Christ, à cet Enfant plein de grâce que nous avons vu naître à Bethléem. Il est le Seigneur du monde, et tous les êtres, aux cieux et sur la terre, ont été créés par lui ; il a réconcilié toutes choses avec le Père, rétablissant la paix entre le ciel et la terre, par son sang qu’il a versé sur la Croix. Aujourd’hui le Christ règne à la droite du Père. Aux disciples interdits qui contemplaient les nuages après l’Ascension du Seigneur, les deux anges vêtus de blanc affirment : hommes de Galilée, pourquoi regardez-vous le ciel ? Ce Jésus que vous avez vu monter au ciel reviendra de la même manière que vous venez de le voir monter.

Les rois règnent par lui. Mais, alors que les rois et les autorités humaines passent, le royaume du Christ durera toute l’éternité, car son royaume est un royaume éternel et sa domination demeure de génération en génération.

Le royaume du Christ n’est ni une façon de parler, ni une image de rhétorique. Le Christ vit, même en tant qu’homme, avec ce même corps qu’il a assumé dans l’Incarnation, qui est ressuscité après la Croix et qui subsiste, uni à son âme humaine, et glorifié dans la Personne du Verbe. Le Christ, Dieu et Homme véritable, vit et règne, et il est le Seigneur du monde. Lui seul maintient en vie tout ce qui existe.

Alors pourquoi n’apparaît-il pas maintenant dans toute sa gloire ? Parce que, bien qu’il soit dans le monde, son royaume n’est pas de ce monde, Jésus avait répondu à Pilate : Je suis Roi. Et je suis né pour cela, pour rendre témoignage à la vérité ; quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. Ceux qui attendaient du Messie un pouvoir temporel, visible, se trompaient : le royaume de Dieu n’est pas fait de nourriture et de boisson, mais de justice, de paix et de la joie de l’Esprit Saint.

Vérité et Justice, paix et joie en l’Esprit Saint : voilà le royaume du Christ, l’action divine qui sauve les hommes et qui culminera quand l’histoire s’achèvera et que le Seigneur, assis au plus haut des cieux, viendra pour juger définitivement les hommes.

Quand le Christ commence sa prédication sur la terre, Il ne propose pas de programme politique, mais il dit : faites pénitence, parce que le royaume des cieux est proche. Il charge ses disciples d’annoncer cette bonne nouvelle et leur apprend à demander dans la prière l’avènement du royaume. Voilà le Royaume de Dieu et sa justice. Voilà en quoi consiste une vie sainte et ce que nous devons rechercher en premier lieu, la seule chose qui soit vraiment nécessaire.

Le salut que prêche Notre Seigneur Jésus-Christ est un appel lancé à tous. Il en est comme d’un roi qui célébrait les noces de son fils et envoya ses serviteurs inviter les convives aux noces. Et le Seigneur nous révèle que le royaume des cieux est au milieu de nous.

On n’est jamais exclu du salut si l’on se soumet docilement aux exigences amoureuses du Christ, si l’on naît de nouveau, si l’on se fait semblable aux tout-petits, en toute simplicité d’esprit, si l’on écarte de son cœur ce qui l’éloigne de Dieu. Jésus ne veut pas seulement des paroles, il veut aussi des actes, et des efforts courageux, car seuls ceux qui luttent mériteront l’héritage éternel.

La perfection du royaume, le jugement définitif de salut ou de condamnation, ne sont pas de ce monde. Aujourd’hui, le royaume est comparable aux semailles, à la croissance du grain de sénevé. A la fin, il en sera comme du filet que l’on hâle sur la plage : on en sortira, pour leur faire connaître un sort différent, ceux qui ont accompli la justice et ceux qui ont commis l’iniquité. Mais, tant que nous vivons ici-bas, le royaume est semblable au levain que prit une femme et qu’elle mélangea à trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la masse ait fermenté.

Qui comprend ce qu’est ce royaume que le Christ propose, se rend compte qu’il vaut la peine de mettre tout en œuvre pour le conquérir : il est cette perle que le marchand acquiert en vendant tout ce qu’il possède ; il est le trésor trouvé dans un champ. Il est difficile de conquérir le royaume des cieux et personne n’est assuré d’y parvenir : seule l’humble clameur de l’homme repentant peut en ouvrir les portes à deux battants. Un des larrons crucifiés avec Jésus le supplie : Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton royaume. Il lui répondit : En vérité, je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis.

Le royaume dans l’âme

Lorsque, comme il en a le devoir, le chrétien travaille, il ne doit ni évincer ni faire fi des exigences propres à la nature. Si par bénir les activités humaines on entend les réduire à néant ou en diminuer l’efficacité, alors je me refuse à utiliser ces mots. En ce qui me concerne, je n’ai jamais aimé que les activités humaines courantes affichent, telle une enseigne postiche, un qualificatif confessionnel. Il me semble en effet, bien que je respecte l’opinion contraire, que c’est risquer d’utiliser inutilement le saint nom de notre foi, sans compter que l’étiquette de catholique a pu parfois justifier des attitudes et des opérations plutôt douteuses.

Parce que le monde et tout ce qu’il renferme, sauf le péché, est bon, étant l’œuvre de Dieu Notre Seigneur, le chrétien, au coude à coude avec tous ses concitoyens, doit se consacrer à tout ce qui est terrestre, en luttant sans relâche — de façon positive, avec amour — pour éviter les offenses à Dieu. Il doit défendre toutes les valeurs qui dérivent de la dignité de la personne.

Et s’il est une valeur qu’il devra toujours rechercher de façon spéciale, c’est bien la liberté personnelle. Ce n’est que dans la mesure où il défend la liberté individuelle des autres, avec la responsabilité personnelle correspondante, qu’il pourra défendre la sienne. C’est la seule attitude cohérente, sur le plan humain et chrétien. Je le répète — et je ne cesserai de le répéter : le Seigneur nous a octroyé gratuitement un grand don surnaturel, la grâce divine, et un merveilleux présent humain, la liberté personnelle qui, pour ne pas se corrompre ni se transformer en licence, exige de nous une intégrité et un ferme engagement de refléter dans notre conduite la loi divine, parce que là où est l’Esprit de Dieu, là se trouve la liberté.

Le Royaume du Christ est un royaume de liberté. Il ne contient que des esclaves qui se sont enchaînés, librement, par amour de Dieu. Servitude bénie ! Servitude d’amour qui nous libère ! Sans la liberté nous ne pouvons pas répondre à la grâce ; sans la liberté nous ne pouvons pas nous donner librement au Seigneur pour le plus surnaturel des motifs : parce que nous en avons envie.

Certains de ceux qui m’écoutent en ce moment me connaissent depuis de nombreuses années déjà et ils peuvent témoigner combien, pendant toute ma vie, j’ai prêché la liberté personnelle unie à la responsabilité individuelle. Je l’ai cherchée et je la cherche, de par toute la terre, comme Diogène cherchait un homme. Et je l’aime chaque jour davantage, plus que toute autre chose sur la terre, car c’est un trésor que nous n’apprécierons jamais assez.

Quand je parle de liberté personnelle, je n’en fais pas pour autant allusion à d’autres problèmes, peut-être très intéressants, mais qui ne relèvent pas de ma mission sacerdotale. Je sais que ce n’est pas à moi de parler des problèmes de l’heure, séculiers, qui relèvent du domaine temporel et civil, puisque le Seigneur a voulu laisser ces matières à la libre et sereine discussion des hommes. Je sais aussi que, s’il veut échapper aux factions, le prêtre ne doit ouvrir la bouche que pour mener les âmes à Dieu, à sa doctrine spirituelle de salut, aux sacrements institués par Jésus-Christ, et à la vie intérieure qui nous rapproche du Seigneur et fait de nous ses enfants et, par conséquent, les frères de tous les hommes sans exception.

Nous célébrons aujourd’hui la fête du Christ Roi. Je ne sors pas de ma fonction de prêtre en disant que si quelqu’un voyait dans le royaume du Christ un programme politique, c’est qu’il n’aurait pas compris le sens profond de la fin surnaturelle de la foi et serait à deux pas d’imposer aux consciences un fardeau qui n’est pas celui de Jésus, dont le joug est doux et le fardeau léger. Aimons vraiment tous les hommes et aimons le Christ par-dessus tout. Nous n’aurons alors pas d’autre solution que d’aimer la liberté légitime des autres et de vivre avec eux en bonne intelligence et en paix.

La sérénité des enfants de Dieu