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5 points de « Quand le Christ passe » sont liés à la thématique Vision surnaturelle  → foi.

Le but n’est pas facile : nous identifier au Christ. Mais il n’est pas non plus difficile, si nous vivons comme le Seigneur nous l’a appris : si nous avons recours tous les jours à la Parole, si nous imprégnons notre vie de la réalité sacramentelle — l’Eucharistie qu’il nous a laissée comme aliment, car le chemin du chrétien invite à la marche, comme le rappelle une vieille chanson de mon pays. Dieu nous a appelés d’une manière claire et sans équivoque. Comme les Rois Mages, nous avons découvert une étoile, lumière et chemin, dans le ciel de notre âme.

Nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l’adorer. Notre expérience est la même. Nous aussi, nous avons remarqué que, peu à peu, une nouvelle lueur s’allumait dans notre âme : le désir d’être pleinement chrétiens ; si vous me permettez l’expression, le souci de prendre Dieu au sérieux. Si chacun de vous se mettait maintenant à raconter à haute voix l’histoire intime de sa vocation surnaturelle, nous en conclurions que tout ceci était divin. Remercions Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit, et Sainte Marie, par laquelle nous parviennent toutes les bénédictions du ciel, de ce don qui, avec celui de la foi, est le plus grand que le Seigneur puisse accorder à une créature : la ferme détermination d’atteindre la plénitude de la charité, en étant convaincu que la sainteté au milieu des tâches professionnelles et sociales est non seulement possible, mais nécessaire.

Avec quelle délicatesse le Seigneur nous invite ! Il s’exprime au moyen de paroles humaines, comme un amoureux : je t’ai appelé par ton nom… tu es à moi. Dieu, qui est la beauté, la grandeur, la sagesse, nous annonce que nous sommes siens, que nous avons été choisis comme terme de son amour infini. Quelle vie de foi il faut avoir pour ne pas dénaturer cette merveille que la Providence divine met entre nos mains ! Une foi comme celle des Rois Mages : la conviction que ni le désert, ni les tempêtes, ni la tranquillité des oasis ne nous empêcheront de parvenir à ce Bethléem éternel qu’est la vie définitive avec Dieu.

La veille de la fête solennelle de Pâques, Jésus, sachant que l’heure de son départ de ce monde était venue, comme il avait aimé les siens qui vivaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout. Ce verset de saint Jean annonce au lecteur de son Évangile que quelque chose de grand arrivera ce jour-là. C’est un préambule tendrement affectueux, identique à celui que saint Luc recueille dans son récit : J’ai désiré ardemment — affirme le Seigneur — manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. Nous commençons par demander dès maintenant au Saint-Esprit de nous préparer à comprendre chaque geste et chaque expression de Jésus-Christ. Parce que nous voulons vivre une vie surnaturelle, parce que le Seigneur nous a manifesté sa volonté de se donner à nous comme aliment de notre n°, et parce que nous reconnaissons que lui seul a des paroles de vie éternelle.

La foi nous fait confesser avec Simon-Pierre : Nous, nous avons cru et nous avons su que tu es le Christ, le Fils de Dieu. Et c’est cette foi qui, unie à notre dévotion en ce moment sublime, nous pousse à imiter l’audace de Jean : à nous approcher de Jésus et à incliner la tête sur la poitrine du Maître, qui aimait ardemment les siens et — nous venons de l’entendre — allait les aimer jusqu’à la fin.

Le langage est bien pauvre pour expliquer, même approximativement, le mystère du Jeudi Saint. Mais il n’est pas difficile d’imaginer en partie les sentiments qu’avait Jésus en son cœur, lors de cette dernière soirée qu’il passait avec les siens avant le sacrifice du Calvaire.

Pensez à l’expérience, si humaine, de la séparation de deux êtres qui s’aiment. Ils aimeraient être toujours ensemble, mais le devoir — quel qu’il soit — les oblige à s’éloigner l’un de l’autre. Ils désireraient rester ensemble et ils ne le peuvent pas. L’amour de l’homme, si grand soit-il, a des limites ; il a recours à un symbole. Ceux qui se quittent échangent un souvenir ; peut-être une photographie, avec une dédicace si enflammée qu’on est surpris que le papier n’en brûle pas. Ils ne peuvent pas faire davantage : les désirs des créatures dépassent tellement leurs possibilités.

Ce que nous ne pouvons pas, le Seigneur le peut. Jésus-Christ, Dieu parfait et homme parfait, ne nous laisse pas un symbole, mais la réalité : il reste lui-même. Il ira vers le Père, mais il restera avec les hommes. Il ne nous laissera pas un simple cadeau qui nous fasse évoquer sa mémoire, une image qui tende à s’effacer avec le temps, comme la photographie qui rapidement pâlit, jaunit, et n’a pas de sens pour ceux qui n’ont pas vécu ce moment d’amour. Sous les espèces du pain et du vin, il est là, réellement présent : avec son Corps, son Sang, son Âme et sa Divinité.

La joie du Jeudi Saint

Nous écoutons maintenant la Parole de l’Écriture, l’Epître et l’Évangile, lumières du Paraclet, qui parle en langage humain pour que notre intelligence comprenne et contemple, pour que notre volonté se fortifie et que l’action s’accomplisse. Parce que nous sommes un seul peuple qui confesse une seule foi, un Credo ; un peuple rassemblé dans l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Ensuite, l’offrande : le pain et le vin des hommes. C’est peu, mais la prière l’accompagne : reçois-nous en ta présence, Seigneur, avec un esprit d’humilité et le cœur contrit ; et que le sacrifice que nous t’offrons aujourd’hui, Seigneur, arrive en ta présence de telle sorte qu’il te soit agréable. Le souvenir de notre misère nous envahit de nouveau, ainsi que le désir que tout ce qui va au Seigneur soit propre et purifié : je laverai mes mains, j’aime le décor de ta maison.

Il y a un instant, avant le lavabo, nous avons invoqué le Saint-Esprit, et nous lui avons demandé de bénir le sacrifice offert à son Saint Nom. La purification une fois achevée, nous nous adressons à la Trinité — suscipe, Sancta Trinitas — pour qu’elle accueille ce que nous présentons en mémoire de la vie, de la Passion, de la Résurrection et de l’Ascension du Christ, en l’honneur de Marie, toujours Vierge, en l’honneur de tous les saints.

Que le sacrifice serve au salut de tous — Orate, fratres, supplie le prêtre — car mon sacrifice est le vôtre, celui de toute l’Église. Priez, mes frères, même si vous n’êtes qu’un petit nombre ; même s’il n’y a qu’un seul chrétien qui soit présent, et même si le célébrant est seul : parce que toute messe est l’holocauste universel, le rachat de toutes les tribus, de toutes les langues, de tous les peuples et de toutes les nations.

Tous les chrétiens, par la communion des saints, reçoivent les grâces de chaque messe, qu’elle soit célébrée devant des milliers de personnes ou seulement devant un enfant de choeur distrait. Dans tous les cas, la terre et le ciel s’unissent pour entonner avec les anges du Seigneur : Sanctus, Sanctus, Sanctus… J’applaudis et je m’unis à la louange des anges : cela ne m’est pas difficile, parce que je me sais entouré d’eux quand je célèbre la sainte messe. Ils sont en train d’adorer la Trinité. De même que je sais aussi que la Très Sainte Vierge intervient, en quelque sorte, en raison de son union intime avec la Très Sainte Trinité, et parce qu’elle est mère du Christ, de sa Chair et de son Sang : mère de Jésus-Christ, Dieu parfait et Homme parfait. Jésus-Christ, conçu dans le sein de Sainte Marie sans l’intervention d’un homme, par la seule vertu du Saint-Esprit, a le Sang même de sa mère et c’est ce Sang qui est offert en sacrifice rédempteur au Calvaire et à la sainte messe.

J’ai tenu à rappeler, brièvement, certains des aspects de cette existence actuelle du Christ — Iesus Christus heri et hodie ; ipse et in sæcula — parce que le fondement de toute la vie chrétienne est là. Si nous regardons autour de nous et que nous considérons le cours de l’histoire de l’humanité nous observons des progrès, des améliorations. La science a donné à l’homme une conscience plus étendue de son pouvoir. La technique domine la nature plus fortement que par le passé et, par elle, l’humanité rêve d’atteindre un plus haut niveau de culture, de vie matérielle, d’unité.

Certains, peut-être, se sentent enclins à nuancer ce tableau, en rappelant que les hommes souffrent aujourd’hui d’injustices et de guerres, qui sont même pires que par le passé. Ils n’ont pas tort. Mais, au-delà de ces réflexions, je préfère, quant à moi, rappeler que dans l’ordre religieux l’homme reste l’homme et que Dieu reste Dieu. Dans ce domaine, le comble du progrès est déjà atteint : c’est le Christ, alpha et oméga, commencement et fin.

Dans la vie spirituelle, il n’y a pas de nouvelle époque à laquelle il faudrait parvenir. Tout a déjà été donné dans le Christ, qui est mort, qui est ressuscité, qui vit et demeure toujours. Mais il nous faut nous unir à lui par la foi, en laissant sa vie se manifester en nous, afin que l’on puisse dire que chaque chrétien est non plus alter Christus, mais ipse Christus, le Christ lui-même !

Le chrétien se sait greffé sur le Christ par le baptême, habilité à lutter pour le Christ par la confirmation, appelé à agir dans le monde par sa participation à la fonction royale, prophétique et sacerdotale du Christ, devenu une seule et même chose avec le Christ par l’Eucharistie, sacrement de l’unité et de l’amour. C’est pourquoi, comme le Christ, il doit vivre face aux autres hommes, en regardant avec amour chacun de ceux qui l’entourent ainsi que l’humanité tout entière.

La foi nous porte à reconnaître Dieu dans le Christ, à voir en lui notre Sauveur, à nous identifier avec lui, à œuvrer comme il a œuvré. Après avoir tiré l’apôtre Thomas de ses doutes en lui montrant ses plaies, le Ressuscité s’écrie : Heureux ceux qui croiront sans avoir vu. Ici, explique saint Grégoire le Grand, il est question de nous d’une manière particulière, car nous possédons spirituellement Celui que nous n’avons pas vu corporellement. Il est question de nous, mais à condition que nos actes soient conformes à notre foi. Seul croit véritablement celui qui, dans ses œuvres, met en pratique ce qu’il croit. C’est pourquoi, à propos de ceux qui ne possèdent de la foi que les paroles, saint Paul a dit : ils font profession de connaître Dieu, et ils le renient par leurs actes.

Il n’est pas possible de séparer, chez le Christ, son être de Dieu-Homme de sa fonction de Rédempteur. Le Verbe s’est fait chair et il est venu sur la terre ut omnes homines salvi fiant, pour sauver tous les hommes. Avec nos misères et nos limitations personnelles, nous sommes d’autres Christs, le Christ lui même, et nous aussi sommes appelés à servir tous les hommes.

Il est nécessaire que retentisse sans cesse ce commandement qui demeurera nouveau à travers les siècles. Bien-aimés, écrit saint Jean, ce n’est pas un commandement nouveau que je vous écris mais un commandement ancien que vous avez reçu dès le début. Ce commandement ancien est la parole que vous avez entendue. Et néanmoins, encore une fois, c’est un commandement nouveau que je vous écris, lequel s’est vérifié en Jésus-Christ et en vous, puisque les ténèbres s’en vont et que déjà la véritable lumière brille. Celui qui prétend être dans la lumière tout en haïssant son frère, est encore dans les ténèbres. Celui qui aime son frère, demeure dans la lumière, et il n’y a en lui aucune occasion de chute.

Notre Seigneur est venu apporter la paix, la bonne nouvelle, la vie à tous les hommes. Pas seulement aux riches, ni seulement aux pauvres. Pas seulement aux sages, ni seulement aux naïfs. A nous tous qui sommes frères, car nous sommes frères, étant les fils d’un même Père, Dieu. Il n’y a donc qu’une race, la race des enfants de Dieu.Il n’y a qu’une couleur : la couleur des enfants de Dieu. Et il n’y a qu’une langue : celle qui parle au cœur et à l’esprit et qui, sans avoir besoin de mots, nous fait connaître Dieu et nous fait nous aimer les uns les autres.

Contemplation de la vie du Christ

Références à la Sainte Écriture
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