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5 points de « Quand le Christ passe » sont liés au thème "Gloire de Dieu".

Apprenons de Jésus. Son attitude, qui se refuse à toute gloire humaine, est en parfaite corrélation avec la grandeur d’une mission unique : celle du Fils bien-aimé de Dieu qui s’incarne pour sauver les hommes. Une mission que l’affection du Père a entourée d’une sollicitude toute pleine de tendresse : Filiusmeus es tu, ego hodie genui te. Postula a me et dabo tibi gentes hereditatem tuam ; tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. Demande, et je te donne les nations pour héritage.

Le chrétien qui, suivant le Christ, vit dans cette attitude d’adoration complète du Père, reçoit lui aussi du Seigneur l’assurance d’une amoureuse sollicitude : Puisqu’il s’attache à moi, je l’affranchis, je l’exalte puisqu’il connaît mon nom.

Comme toute fête chrétienne, celle que nous célébrons aujourd’hui est, avant tout, une fête de paix. Les Rameaux évoquent, par un symbolisme très ancien, une scène de la Genèse. Noë attendit encore sept jours, puis lâcha encore une fois la colombe ; celle-ci revint le soir, tenant dans son bec un rameau d’olivier. Ainsi Noë sut que les eaux ne recouvraient plus toute la terre. Nous commémorons, aujourd’hui, la confirmation et l’établissement dans le Christ de l’alliance entre Dieu et son peuple, parce qu’Il est notre paix.

Dans cette merveilleuse unité du “nouveau”, perpétuant le souvenir de “l’ancien”, qui caractérise la liturgie de notre sainte Église catholique, nous lisons, aujourd’hui, ces paroles de joie profonde : les enfants des Juifs, portant des rameaux d’olivier, allèrent à la rencontre du Seigneur en proclamant : gloire au plus haut des cieux.

L’acclamation adressée à Jésus s’unit, dans notre âme, à celle qui avait salué sa naissance à Bethléem. Sur le passage de Jésus, raconte saint Luc, les gens étendaient leurs manteaux sur le chemin ; déjà il s’approchait du Mont des Oliviers, et les disciples, transportés de joie, se mirent à louer Dieu d’une voix forte pour tous les miracles qu’ils avaient vus. Ils disaient : béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur, paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux.

Paix sur la terre

Paix dans le Ciel : pax in cœlo. Mais regardons aussi le monde : Pourquoi n’y a-t-il pas de paix sur la terre ? Non, il n’y a pas de paix ; il n’y a que des apparences de paix, un équilibre de la peur, des engagements fragiles. Il n’y a pas, non plus, de paix dans l’Église, traversée de tensions qui déchirent la blanche tunique de l’Épouse du Christ. Il n’y a pas de paix dans de nombreux cœurs, qui cherchent en vain à combler l’inquiétude de leur âme par un continuel affairement, par la mesquine satisfaction de posséder des biens qui ne rassasient pas, parce qu’ils laissent toujours un arrière-goût de tristesse.

Les feuilles de palmes, écrit saint Augustin, représentent une victoire. Le Seigneur s’apprête à vaincre en mourant sur la Croix. Il s’avance sous le signe de la Croix vers le triomphe remporté sur le diable, prince de la Mort. Le Christ est notre Paix, parce qu’il a vaincu, et il a vaincu parce qu’il a lutté, dans une rude bataille menée contre l’accumulation de méchanceté du cœur humain.

Le Christ, qui est notre Paix, est aussi le chemin. Si nous voulons posséder la paix, nous devons lui emboîter le pas. La paix est la conséquence de la guerre, de la lutte, de cette lutte ascétique, intime, que chaque chrétien doit soutenir contre tout ce qui, dans sa vie, ne vient pas de Dieu : contre l’orgueil, la sensualité, l’égoïsme, la superficialité, l’étroitesse de cœur. Il est inutile de réclamer à grands cris la tranquillité extérieure, si le calme fait défaut dans les consciences, au fond de l’âme, parce que c’est du cœur que procèdent mauvaises pensées, meurtres, adultères, débauches, faux témoignages, blasphèmes.

La lutte : un engagement d’amour et de justice

Vivre la sainte messe, c’est demeurer continuellement en prière, avoir la conviction que, pour chacun de nous, il s’agit d’une rencontre personnelle avec Dieu : nous adorons, nous louons, nous demandons, nous rendons grâces, nous réparons pour nos péchés, nous nous purifions, nous nous sentons unis dans le Christ avec tous les chrétiens.

Il nous est peut-être arrivé de nous demander comment répondre à tant d’amour de Dieu ; nous avons peut-être désiré voir clairement exposé un programme de vie chrétienne. La solution est facile et à la portée de tous les fidèles : participer amoureusement à la sainte messe, apprendre à rencontrer Dieu dans la messe, parce que ce sacrifice contient tout ce que Dieu veut de nous.

Permettez-moi de vous rappeler ce que vous avez eu si souvent l’occasion d’observer : le déroulement des cérémonies liturgiques. Si nous les suivons pas à pas, il est très possible que le Seigneur fasse découvrir à chacun de nous ce qu’il doit améliorer, quels sont les défauts qu’il doit déraciner, et quel doit être notre comportement fraternel avec tous les hommes.

Le prêtre se dirige vers l’autel de Dieu, du Dieu qui réjouit notre jeunesse. La sainte messe débute par un chant de joie, car Dieu est là. C’est cette joie qui, avec la reconnaissance et l’amour, s’exprime par le baiser à l’autel, symbole du Christ et souvenir des saints, espace réduit, sanctifié, parce que c’est là que s’accomplit ce sacrement dont l’efficacité est infinie.

Le Confiteor met en évidence notre indignité ; non le souvenir abstrait de la faute, mais la présence, si concrète, de nos péchés et de nos fautes. C’est pourquoi nous répétons : Kyrie eleison, Christe eleison, Seigneur, aie pitié de nous ; Christ, aie pitié de nous. Si le pardon dont nous avons besoin était en relation avec nos mérites, c’est une tristesse amère qui jaillirait alors de notre âme. Mais, par bonté divine, le pardon nous vient de la miséricorde de Dieu, que nous louons déjà — Gloria ! — car Toi seul es Saint, Toi seul es Seigneur, Toi seul es le Très Haut Jésus-Christ, avec le Saint-Esprit, dans la gloire de Dieu le Père.

Une prière au Dieu de ma vie. Si Dieu est vie pour nous, nous ne devons pas nous étonner que notre existence de chrétien doive être tissée de prière. Mais ne pensez pas que la prière soit un acte qu’on accomplit, pour l’abandonner ensuite. Le juste se plaît dans la loi de Yahvé et murmure sa loi jour et nuit. Le matin je pense à toi ; et le soir, ma prière monte vers toi comme l’encens. La journée entière peut être prière ; du soir au matin et du matin au soir. Bien plus : comme le rappelle l’Écriture Sainte, le sommeil aussi doit être prière.

Rappelez-vous ce que les Évangiles nous disent de Jésus. Il passait parfois la nuit entière en conversation intime avec son Père. Comme les premiers disciples aimaient la figure du Christ en prière ! Après avoir contemplé cette attitude continuelle du Maître, ils lui demandèrent : Domine, doce nos orare, Seigneur apprends-nous à prier.

Saint Paul répand partout l’exemple vivant du Christ : oratione instantes : persévérants dans la prière, écrit-il. Et saint Luc trace d’un trait la manière d’agir des premiers fidèles : animés d’un même esprit, ils persévéraient ensemble dans la prière.

La trempe du bon chrétien se forge, avec l’aide de la grâce, dans la prière. Et cet aliment de la prière, parce qu’il est vie, ne se développe pas dans une seule direction. Le cœur s’épanche habituellement en paroles, dans ces oraisons vocales que Dieu lui-même nous a apprises, le Notre Père, ou que ses anges nous ont enseignées, l’Ave Maria. D’autres fois, nous nous servirons de prières consacrées par le temps, prières grâce auxquelles la piété de millions de frères dans la foi s’est épanchée : celles de la liturgie — lex orandi — celles qui sont nées de la passion d’un cœur amoureux, comme tant d’antiennes : Sub tuum præsidium… Memorare…, Salve Regina …

A d’autres moments, deux ou trois invocations, lancées au Seigneur comme des flèches, iaculata, nous suffiront : oraisons jaculatoires que nous apprenons en lisant attentivement l’histoire du Christ : Domine, si vis, potes me mundare, Seigneur, si tu veux, tu peux me guérir ; Domine, tu omnia nosti, tu scis quia amo te, Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime ; Credo, Domine, sed adiuva incredulitatem meam, je crois Seigneur, mais viens en aide à mon peu de foi ; Domine, non sum dignus, Seigneur, je ne suis pas digne ! Dominus meus et Deus meus !. Mon Seigneur et mon Dieu !… Ou d’autres phrases, brèves et affectueuses, qui jaillissent du fond de l’âme avec ferveur et répondent à une situation concrète.

Notre vie de prière doit en plus se fonder sur quelques moments que nous consacrons chaque jour exclusivement à la conversation avec Dieu ; dialogue sans bruit de paroles, près du Tabernacle chaque fois que possible, pour remercier le Seigneur — il est si seul ! — de cette attente de vingt siècles. L’oraison mentale consiste en ce dialogue avec Dieu, cœur à cœur, auquel participe l’âme tout entière : l’intelligence et l’imagination, la mémoire et la volonté. Une méditation qui contribue à donner une valeur surnaturelle à notre pauvre vie humaine, à notre vie quotidienne ordinaire.

Grâce à ces moments de méditation, aux oraisons vocales, aux oraisons jaculatoires, nous saurons, avec naturel et sans spectacle, faire de notre journée une louange continuelle à Dieu. Nous resterons en sa présence, comme les amoureux qui ne cessent de penser à la personne qu’ils aiment, et toutes nos actions, même les plus infimes, se rempliront d’efficacité spirituelle.

C’est pourquoi, quand un chrétien entreprend ce chemin de conversation ininterrompue avec le Seigneur — et c’est un chemin fait pour tous, pas un sentier pour privilégiés —, la vie intérieure grandit, sûre et ferme ; et l’homme s’affermit dans cette lutte, à la fois aimable et exigeante, pour réaliser à fond la volonté de Dieu.

A partir de la voie d’oraison, nous pouvons comprendre l’autre thème que nous propose la fête d’aujourd’hui : l’apostolat, la mise en pratique de l’enseignement de Jésus, transmis aux siens peu avant de monter aux cieux : vous me servirez de témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, en Samarie et jusqu’aux confins de la terre.

Apostolat, corédemption

Comme tu es grand, ô notre Seigneur et notre Dieu ! C’est toi qui donnes à notre vie un sens surnaturel et une efficacité divine. C’est grâce à toi que l’amour pour ton Fils nous fait répéter avec toute la force de notre être, avec notre âme et avec notre corps : opportet illum regnare ! alors même que retentit la complainte de notre faiblesse. Car, comme tu le sais, nous sommes des créatures (et quelles créatures !) dont non seulement les pieds, mais le cœur et la tête sont faits de glaise. Elevés au plan divin, nous vibrerons exclusivement pour toi.

Le Christ doit avant tout régner en notre âme. Mais que pourrions-nous lui répondre s’il nous demandait : et toi, comment me laisses-tu régner en toi ? Je lui répondrais que pour qu’il règne en moi, j’ai besoin de sa grâce en abondance. C’est le seul moyen pour que tout, le moindre battement de cœur, le moindre souffle, le moindre regard, le mot le plus anodin, la sensation la plus élémentaire se transforme en un hosanna à mon Christ Roi.

Si nous voulons que le Christ règne, nous devons agir en conséquence et commencer par lui faire don de notre cœur. Si nous n’agissions pas ainsi, parler de la royauté du Christ ne serait que clameur dépourvue de sens chrétien, que manifestation extérieure d’une foi qui n’existerait pas, qu’utilisation frauduleuse du nom de Dieu pour des transactions humaines.

Si la condition, pour que Jésus règne en ton âme et en la mienne, était qu’il trouve en nous une demeure digne, nous aurions de quoi nous désespérer. Mais sois sans crainte, fille de Sion : voici venir ton roi, monté sur le petit d’une ânesse. Voyez de quel pauvre animal Jésus se contente pour trône. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais personnellement cela ne m’humilie pas de me reconnaître âne aux yeux du Seigneur : j’étais une brute devant toi. Et moi, qui restais devant toi, tu m’as saisi par ma main droite, tu me conduis par le licol.

Rappelez-vous les traits caractéristiques de l’âne, non de ceux du vieil âne, têtu et rancunier qui se venge d’une ruade traîtresse, mais de ceux de l’âne jeune, aux oreilles dressées comme des antennes, austère dans sa nourriture, obstiné dans le travail, au trot allègre et décidé. Certes, il existe des centaines d’animaux plus beaux, plus habiles et plus cruels, mais c’est lui qu’a choisi le Christ pour se présenter en roi au peuple qui l’acclamait. Car Jésus n’a que faire de l’astuce calculatrice, de la cruauté des cœurs froids, de la beauté qui brille mais qui n’est qu’apparence. Notre Seigneur aime la joie d’un cœur jeune, la démarche simple, la voix bien posée, le regard limpide, l’oreille attentive à sa parole affectueuse. C’est ainsi qu’il règne dans l’âme.

Régner en servant