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6 points de « Amis de Dieu » sont liés à la thématique Vie ordinaire → avec le regard tourné vers le Ciel.

Ici, dans la présence de Dieu, qui préside dans le tabernacle (quelle force que cette proximité réelle de Jésus !), nous allons méditer aujourd’hui sur l’espérance, ce don très doux de Dieu, qui comble nos âmes de joie : spe gaudentes. Joyeux nous le sommes, car, si nous sommes fidèles, l’Amour infini nous attend.

Nous ne devons jamais oublier que, pour tous, donc pour chacun d’entre nous, il n’y a que deux façons de vivre sur terre : vivre une vie divine, en luttant pour plaire à Dieu ; ou vivre une vie animale, avec plus ou moins de teinture humaine, en nous passant de lui. Je n’ai jamais accordé beaucoup de crédit aux « saints laïcs » qui se vantent d’être incroyants. Je les aime véritablement, de même que tous les hommes, mes frères ; j’admire leur bonne volonté qui, à certains égards, peut se révéler héroïque. Mais j’ai de la compassion pour eux, car ils ont l’énorme malheur de n’avoir ni la lumière ni la chaleur de Dieu, ni l’indicible joie de l’espérance théologale.

Un chrétien sincère, cohérent avec sa foi, n’agit que par référence à Dieu, dans une perspective surnaturelle. Il travaille en ce monde (qu’il aime passionnément), pleinement engagé dans les affaires de la terre, le regard tourné vers le ciel. Saint Paul nous le confirme : Quæ sursum sunt quærite ; recherchez les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite du Père. Songez aux choses d’en-haut, non à celles de la terre. Car vous êtes morts, morts par le baptême à ce qui vient du monde, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu.

Espérances terrestres et espérance chrétienne

Certes les craintifs et les frivoles abondent. Mais, sur notre terre, il est aussi beaucoup d’hommes droits, animés par un noble idéal, même purement philantropique et sans finalité surnaturelle. Ils supportent toute sorte de privations, se dépensent généreusement au service des autres, les aidant dans leurs souffrances ou dans leurs difficultés. Je suis toujours porté à respecter et même à admirer la ténacité de celui qui travaille résolument pour un idéal digne de ce nom. Je me sens cependant dans l’obligation de rappeler que tout ce que nous commençons ici-bas, s’il s’agit d’une entreprise exclusivement nôtre, naît marqué du signe de la précarité. Méditez les paroles de l’Écriture  : Je réfléchis sur toutes les actions de mes mains et sur toute la peine que j’y ai prise : Ah ! tout est vanité et poursuite de vent, et il n’y a pas d’intérêt sous le soleil.

Cette précarité n’étouffe cependant point l’espérance. Bien au contraire, si nous admettons la petitesse et la contingence des initiatives terrestres, notre travail s’ouvre à l’espérance véritable, qui élève toute tâche humaine et qui la transforme en un lieu de rencontre avec Dieu. Cette tâche s’éclaire alors d’une lumière d’éternité, qui chasse les ténèbres de la désillusion. Inversement, nous pouvons transformer nos projets temporels en finalités absolues, en effaçant de l’horizon la demeure éternelle et la fin pour laquelle nous avons été créés : aimer et louer le Seigneur, le posséder ensuite dans le Ciel. Alors les plus brillantes intentions deviennent des trahisons, voire les véhicules de l’avilissement des créatures. Rappelez-vous l’exclamation sincère, bien connue, de saint Augustin, qui avait fait l’expérience de tant d’amertumes alors qu’il méconnaissait Dieu et qu’il cherchait le bonheur en dehors de lui : Tu nous a créés, Seigneur, pour toi et notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en toi ! Rien n’est peut-être plus tragique dans la vie d’un homme que ces méprises dues à la corruption et à la falsification de l’espérance, quand celle-ci est présentée en dehors de la perspective de l’Amour, qui rassasie sans rassasier.

Quant à moi, et je désire qu’il en aille de même pour vous, l’assurance de me sentir, de me savoir, fils de Dieu, me remplit d’une espérance véritable, cette vertu surnaturelle qui, quand elle est infusée dans les créatures, se conforme à notre nature, ce qui fait d’elle aussi une vertu très humaine. Je suis heureux, fort de la certitude du Ciel que nous atteindrons, si nous restons fidèles jusqu’au dernier moment ; du bonheur que nous aurons, quoniam bonus, car mon Dieu est bon et sa miséricorde est infinie. Cette assurance m’invite à comprendre que seul ce qui porte l’empreinte de Dieu révèle le sceau indélébile de l’éternité et possède une valeur impérissable. C’est pourquoi l’espérance ne m’écarte pas des choses de cette terre. Elle me rapproche au contraire de ces mêmes réalités d’une façon nouvelle, d’une façon chrétienne, qui tente de découvrir en toutes choses les liens de la nature déchue avec Dieu Créateur et avec Dieu Rédempteur.

Espérer en quoi ?

Peut-être plus d’un en est-il à se demander : nous les chrétiens, en quoi devons-nous espérer ? Car le monde offre beaucoup de biens attirants pour notre cœur, qui réclame le bonheur et poursuit ardemment l’amour. D’autre part, nous voulons semer la joie et la paix à pleines mains : nous ne nous contentons pas de rechercher notre prospérité personnelle et nous tentons de rendre heureux tous ceux qui nous entourent.

Malheureusement d’aucuns, à la vision louable mais plate des choses, aux idéaux exclusivement caducs et fugaces, oublient que les aspirations des chrétiens doivent viser des sommets plus élevés, infinis. Ce qui nous intéresse, c’est l’Amour de Dieu, en jouir en plénitude avec une joie sans fin. Nous avons constaté, de bien des façons, que les choses d’ici-bas vont passer pour nous tous lorsque ce monde s’achèvera ; et même avant, pour chaque homme, car ni les richesses ni les honneurs ne nous accompagneront dans notre sépulture. C’est pourquoi nous avons appris à prier avec les ailes que nous donne l’espérance, qui porte nos cœurs à s’élever vers le Seigneur : In te Domine speravi, non confundar in æternum. J’espère en toi, Seigneur, pour que ta main me dirige maintenant et en toute circonstance, pour les siècles des siècles.

Si tu ne luttes pas, ne me dis pas que tu veux t’identifier davantage au Christ, le connaître, l’aimer. En empruntant cette voie royale, suivre le Christ, nous comporter en enfants de Dieu, nous savons bien ce qui nous attend : la Sainte Croix, où nous devons voir le point central sur lequel s’appuie notre espérance de nous unir au Seigneur.

Ce programme, je te le dis à l’avance, n’a rien d’une entreprise facile, car vivre comme le Seigneur nous l’indique demande des efforts. Je vous lis l’énumération de l’Apôtre, lorsqu’il rapporte les péripéties et les souffrances qu’il a endurées pour accomplir la volonté de Jésus : Cinq fois j’ai reçu des Juifs les trente-neuf coups de fouet ; trois fois j’ai été flagellé ; une fois lapidé ; trois fois j’ai fait naufrage. Il m’est arrivé de passer un jour et une nuit dans l’abîme ! Voyages sans nombre, dangers des rivières, dangers des brigands, dangers de mes compatriotes, dangers des païens, dangers de la ville, dangers du désert, dangers de la mer, dangers des faux frères ! Labeur et fatigue, veilles fréquentes, faim et soif, jeûnes répétés, froid et nudité. Et sans parler du reste, mon obsession quotidienne : le souci de toutes les Églises !

J’aime, pour mes conversations avec le Seigneur, serrer au plus près la réalité dans laquelle nous évoluons, sans m’inventer de théories, sans rêver à de grands renoncements ou à des actes héroïques qui, d’ordinaire, ne se présenteront pas. Il importe, en revanche, que nous profitions de notre temps, ce temps qui glisse entre nos mains et qui, pour une conscience chrétienne, est bien plus que de l’argent, car il représente une anticipation de la gloire qui nous sera accordée plus tard.

Logiquement, nous n’allons pas dans notre journée nous heurter à des difficultés aussi nombreuses et aussi grandes que celles qui ont jalonné la vie de Saül. Ce que nous rencontrons, c’est la bassesse de notre égoïsme, les coups de griffe de la sensualité, les tracas d’un orgueil inutile et ridicule, et bien d’autres défaillances, tant et tant de faiblesses. Devons-nous nous décourager ? Non. Répétons au Seigneur avec saint Paul : Je me complais dans mes faiblesses, dans les outrages, les détresses, les persécutions, les angoisses endurées pour le Christ ; car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.

Parfois, alors que tout va à l’inverse de ce que nous imaginions, nous nous prenons à dire spontanément : Seigneur, vois comment tout s’écroule pour moi, tout, tout… ! C’est alors le moment de rectifier : avec toi, j’irai de l’avant avec assurance, car tu es la force même : Quia tu es, Deus, fortitudo mea.

Je t’ai exhorté à essayer, au milieu de tes occupations, d’élever ton regard vers le Ciel avec persévérance. Car l’espérance nous pousse à saisir la main puissante que Dieu nous tend à tout moment, pour que nous ne perdions pas la perspective surnaturelle, même lorsque nos passions se dressent et nous harcèlent pour nous verrouiller dans le réduit mesquin de notre moi ; ou quand, avec une vanité puérile, nous nous plaçons au centre de l’univers. Je vis persuadé que je ne parviendrai à rien sans regarder vers le haut, sans Jésus. Je sais que la force dont j’ai besoin pour me vaincre et pour vaincre naît de la répétition de ce cri : Je peux tout en Celui qui me rend fort. Ce cri en appelle à la promesse ferme de Dieu de ne point abandonner ses enfants, si ses enfants ne l’abandonnent pas.

La misère et le pardon

Nous devons grandir en espérance, car nous nous affermirons alors dans la foi, qui est la véritable garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas. Grandir dans cette espérance revient aussi à supplier le Seigneur d’accroître en nous sa charité, car on ne se confie pleinement qu’en ce qu’on aime de toutes ses forces. Or, il vaut la peine d’aimer le Seigneur. Vous avez observé comme moi que celui qui est amoureux s’abandonne avec confiance, dans une harmonie merveilleuse où les cœurs battent d’un seul et même amour. Qu’en sera-t-il donc de l’Amour de Dieu ? Ne savez-vous pas que le Christ est mort pour chacun de nous ? Oui, c’est pour notre cœur pauvre et petit que s’est consommé le sacrifice rédempteur de Jésus.

Le Seigneur nous parle souvent de la récompense qu’il a gagnée pour nous par sa Mort et sa Résurrection. Je vais vous préparer une place. Et quand je serai allé vous préparer une place, je reviendrai vous prendre avec moi, afin que, là où je suis, vous soyez, vous aussi. Le ciel est le terme de notre chemin terrestre. Jésus-Christ nous y a précédés et il y attend notre arrivée, dans la compagnie de la Sainte Vierge et de saint Joseph, que je vénère tant, et des anges.

Il y a toujours eu des hérétiques, même à l’âge apostolique, pour essayer d’arracher leur espérance aux chrétiens. Or, si l’on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi nous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts ! S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Alors notre prédication est vide, vide aussi votre foi… La divinité de notre chemin, Jésus, chemin, vérité et vie, est un gage ferme de ce qu'il débouche sur le bonheur éternel, si nous ne nous écartons pas de Lui.