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4 points de « Quand le Christ passe » sont liés à la thématique Église → la Vierge et l'Église.

Un regard sur le monde, un regard au peuple de Dieu, en ce mois de mai qui commence, nous permet de contempler le spectacle de cette dévotion mariale, qui se manifeste par tant de coutumes, anciennes ou nouvelles, mais toutes vécues dans le même esprit d’amour.

Le cœur se réjouit de constater combien la dévotion à la Vierge est toujours vivante, et réveille dans les âmes chrétiennes l’élan surnaturel qui les fait agir comme domestici Dei, comme des membres de la famille de Dieu.

Vous aussi sûrement, lorsque vous voyez, en ce mois, tant de chrétiens exprimer de mille manières différentes leur affection pour la sainte Vierge Marie, vous sentez mieux votre appartenance à l’Église et votre fraternité avec tous ces chrétiens qui sont vos frères. C’est comme une réunion de famille, lorsque les aînés, séparés par la vie, se retrouvent auprès de leur mère à l’occasion d’une fête. Et s’ils se sont parfois disputés, s’ils se sont maltraités, ce jour-là, on n’en parle plus ; ce jour-là, ils se sentent unis, ils se retrouvent tous avec une affection commune.

Marie édifie continuellement l’Église, elle la rassemble, elle en assure la cohésion. Il est donc difficile d’avoir une véritable dévotion à la sainte Vierge sans se sentir plus unis aux autres membres du Corps Mystique et également à sa tête visible, le pape. Voilà pourquoi j’aime redire sans cesse : Omnes cum Petro ad Iesum per Mariam ! ; tous, avec Pierre, vers Jésus, par Marie. Lorsque nous nous reconnaissons ainsi comme des membres à part entière de l’Église, invités à nous sentir davantage frères dans la foi, nous découvrons mieux la profondeur de cette fraternité qui nous unit à l’humanité tout entière ; en effet l’Église a été envoyée par le Christ à toutes les nations et à tous les peuples.

Nous avons tous fait l’expérience de ce que je viens de vous dire : les occasions de constater les effets surnaturels d’une dévotion sincère à la sainte Vierge ne nous ont pas manqué, et chacun d’entre vous pourrait en dire long à ce sujet. Et moi aussi : il me revient en mémoire un pèlerinage que j’ai fait, en 1935, à un sanctuaire de la Vierge, en Castille, à Sonsoles.

Ce n’était pas un pèlerinage au sens habituel du terme, car il n’était ni bruyant, ni massif : nous étions trois. Je respecte et j’aime les autres manifestations publiques de piété, mais, personnellement, je préfère essayer d’offrir à Marie une affection et un enthousiasme analogues, au cours de visites personnelles, ou en petits groupes, avec toute la saveur que donne l’intimité.

Donc lors de ce pèlerinage à Sonsoles, je découvris l’origine de ce titre sous lequel on invoque la Vierge. Détail peut-être sans grande importance, mais manifestation filiale de la piété de cette région. La statue de Notre-Dame que l’on vénère en ce lieu demeura cachée quelque temps, à l’époque des luttes entre chrétiens et musulmans, en Espagne. Au bout de quelques années, elle fut découverte par des bergers qui, selon la tradition, s’exclamèrent : “Quels beaux yeux, ce sont des soleils ! « son soles !»”

Mère du Christ, Mère des chrétiens

Les passages de la Sainte Écriture qui nous parlent de Notre Dame, montrent justement comment la Mère de Jésus accompagne son Fils pas à pas en s’associant à sa mission rédemptrice, en se réjouissant et en souffrant avec lui, en aimant ceux qu’aime Jésus, en s’occupant avec une sollicitude maternelle de tous ceux qui sont à ses côtés.

Rappelons-nous, par exemple, le récit des noces de Cana. Dans la foule des invités d’une de ces bruyantes noces campagnardes où accourent des gens de tous les alentours, Marie s’aperçoit que le vin vient à manquer. Elle seule s’en aperçoit, et immédiatement. Comme ces scènes de la vie du Christ nous paraissent familières ! C’est que la grandeur de Dieu se mêle à la vie ordinaire, courante. Et c’est bien le propre d’une femme, d’une maîtresse de maison avisée, que de relever une négligence, d’être attentive aux petits détails qui rendent agréable l’existence humaine ; ainsi en est-il de Marie.

Remarquez aussi que c’est Jean qui raconte la scène de Cana. Il est le seul des évangélistes à avoir recueilli ce trait de sollicitude maternelle. Saint Jean veut nous rappeler que Marie a été présente aux débuts de la vie publique du Seigneur. C’est bien la preuve qu’il a su percevoir en profondeur l’importance de cette présence de Notre Dame. Jésus savait à qui il confiait sa Mère : à un disciple qui l’avait aimée, qui avait appris à la chérir comme sa propre mère et qui était capable de la comprendre.

Pensons maintenant à ces journées qui suivirent l’Ascension, dans l’attente de la Pentecôte. Les disciples remplis de foi par le triomphe du Christ ressuscité et d’un ardent désir de l’Esprit Saint, veulent se sentir unis, et nous les trouvons cum Maria Matre Iesu, avec Marie, la Mère de Jésus. La prière des disciples accompagne celle de Marie, car c’était la prière d’une famille unie.

Cette fois-ci, celui qui nous transmet ce renseignement est saint Luc, l’évangéliste qui s’est le plus étendu sur l’enfance de Jésus On dirait qu’il veut nous faire bien comprendre que Marie, tout comme elle a joué un rôle de premier plan dans l’Incarnation du Verbe, a également, d’une manière analogue, été présente à l’origine de l’Église, qui est le Corps du Christ.

Dès les premiers moments de la vie de l’Église, tous les chrétiens qui ont recherché l’amour de Dieu, cet amour qui se révèle à nos yeux et s’incarne en Jésus-Christ, ont trouvé la sainte Vierge sur leur chemin et ont fait de mille manières différentes l’expérience de sa maternelle sollicitude. La Très Sainte Vierge peut être appelée en toute vérité Mère de tous les chrétiens. Saint Augustin l’affirmait en une formule lumineuse : Sa charité fit en sorte que naquissent dans l’Église les fidèles, membres de cette tête dont elle est effectivement la mère selon le corps.

Il n’y a donc rien d’étrange à ce que l’un des témoignages les plus anciens de la dévotion à Marie soit justement une oraison pleine de confiance. Je fais allusion à cette antienne, composée il y a des siècles, que nous continuons à redire aujourd’hui encore : Nous nous réfugions sous votre protection, sainte Mère de Dieu ! Ne vous montrez pas indifférente à nos prières, dans la détresse ; mais délivrez-nous sans cesse de tous les dangers, Ô Vierge glorieuse et bénie !.

Fréquenter Marie

L’on ne peut avoir avec Marie ces relations filiales et, en même temps, ne penser qu’à soi, à ses propres problèmes. L’on ne peut entrer dans l’intimité de la Sainte Vierge et s’enfermer dans d’égoïstes problèmes personnels. Marie nous conduit à Jésus, et Jésus est primogenitus in multis fratribus, le premier-né d’une multitude de frères Connaître Jésus, par conséquent, c’est nous rendre compte que notre vie ne peut choisir d’autre orientation que de nous donner totalement au service des autres. Le chrétien ne peut se contenter de s’arrêter à ses problèmes personnels, car il doit vivre en rapport avec l’Église universelle, en pensant au salut de toutes les âmes.

Ainsi, même les affaires que nous pourrions considérer comme les plus intimes et privées — le souci de notre progrès intérieur — ne nous sont pas personnelles, car la sanctification forme un tout indissociable avec l’apostolat. Nous devons lutter dans notre vie intérieure pour développer en nous les vertus chrétiennes, en pensant au bien de toute l’Église, car nous ne pourrions pas faire le bien et faire connaître le Christ s’il n’y avait en nous un effort sincère pour incarner pratiquement dans notre vie l’enseignement de l’Évangile.

Si nous sommes imprégnés de cet esprit, nos prières, même lorsqu’elles commencent par des sujets et des propos en apparence personnels, finissent toujours par s’orienter vers le service des autres. Et si nous cheminons la main dans la main avec la Sainte Vierge, Elle nous fera ressentir notre fraternité avec tous les hommes, car nous sommes tous les enfants de ce Dieu dont elle est Fille, Épouse et Mère.

Il faut que les problèmes des autres soient nos problèmes ; la fraternité chrétienne doit être profondément ancrée dans nos âmes, de sorte que personne ne nous soit indifférent. Marie, la Mère de Jésus, qui l’a nourri, élevé et accompagné durant sa vie sur la terre, et qui maintenant se trouve à ses côtés au Ciel, nous aidera à reconnaître ce Jésus qui passe à côté de nous, et qui se présente à travers les besoins de nos frères les hommes.

Mais ne pensez pas seulement à vous : ouvrez grand votre cœur pour qu’il puisse contenir l’humanité entière. Pensez, avant tout, à ceux qui vous entourent, à vos parents, à vos frères, à vos amis, à vos compagnons, et cherchez comment vous pourriez les amener à approfondir leur amitié avec Notre Seigneur. Si ce sont des personnes droites et honnêtes, capables de s’approcher davantage de Dieu, placez-les de façon spéciale sous la protection de Notre Dame. Et priez aussi pour tant et tant d’âmes que vous ne connaissez pas, parce que nous autres hommes, nous sommes tous embarqués sur le même bateau.

Soyez loyaux et généreux. Nous faisons partie d’un seul corps, le Corps Mystique du Christ, de l’Église sainte à laquelle sont appelés bien des hommes qui cherchent la vérité avec droiture. C’est pourquoi nous avons la grave obligation de montrer aux autres la qualité et la profondeur de l’amour du Christ. Le chrétien ne peut être égoïste ; s’il l’était, il trahirait sa propre vocation. Ce n’est pas une attitude chrétienne que de se contenter de conserver son âme en paix — fausse paix que celle-là —et de se désintéresser du bien des autres. Si nous avons accepté l’authentique signification de la vie humaine — que la foi nous a révélée —, il est impensable que nous restions tranquilles, convaincus que nous agissons bien, alors que nous ne nous efforçons pas de façon pratique et concrète d’approcher les autres de Dieu.

Dans l’apostolat, il y a un obstacle réel : une fausse conception du respect, la crainte d’aborder des thèmes spirituels, parce que nous pressentons qu’une telle conversation ne sera pas opportune dans certains milieux, parce qu’elle risquera de froisser les susceptibilités. Combien de fois ces pensées masquent-elles notre égoïsme ! Il ne s’agit pas de froisser qui que ce soit, mais plutôt de servir. Bien que nous en soyons personnellement indignes, la grâce de Dieu fait de nous des instruments capables d’être utiles aux autres et de leur communiquer cette bonne nouvelle : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité.

Avons-nous le droit de nous introduire ainsi dans la vie des autres ? Oui, et c’est même nécessaire. Le Christ s’est bien introduit dans notre vie sans nous en demander la permission ! C’est ainsi qu’il a agi lui aussi avec les premiers disciples : comme il longeait la mer de Galilée, il aperçut Simon et André son frère, qui jetaient le filet dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs. Et Jésus leur dit : “Venez à ma suite et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes.” Chacun garde la liberté, la fausse liberté de répondre non à Dieu, comme ce jeune homme encombré de richesses, dont saint Luc nous parle. Mais le Seigneur, et nous aussi – car il nous l’a ordonné : allez par le monde entier, proclamez la bonne nouvelle –, nous avons le droit et le devoir de parler de Dieu, de ce sujet humain entre tous, car le désir de Dieu est ce qu’il y a de plus profond au cœur de l’homme.

Sainte Marie, Regina apostolorum, reine de tous ceux qui aspirent ardemment à faire connaître l’amour de ton Fils, toi qui comprends si bien nos misères, demande pardon pour notre vie ; pour ce qui, en nous, aurait pu être flamme et fut cendre ; pour cette lumière qui a cessé d’éclairer, pour ce sel qui est devenu insipide. Mère de Dieu, toi qui obtiens tout ce que tu demandes, donne-nous, en même temps que le pardon, la force de vivre vraiment de foi et d’amour, pour pouvoir apporter aux autres la foi du Christ.

Une seule recette : la sainteté personnelle