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11 points de « Amis de Dieu » sont liés à la thématique Sainteté → dans la vie ordinaire.

Lorsque nous méditons les paroles de Notre Seigneur : et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés en vérité, nous percevons clairement notre unique but : la sanctification, autrement dit le devoir que nous avons d’être saints pour sanctifier. En même temps la tentation subtile nous assaille peut-être de penser que bien peu d’entre nous se sont décidés à répondre à cette invitation divine, sans compter que nous constatons que nous ne sommes que des instruments bien quelconques. Nous sommes peu nombreux, il est vrai, au regard du reste de l’humanité, et nous ne valons rien par nous-mêmes. Mais l’affirmation du Maître a l’accent de l’autorité : le chrétien est lumière, sel, ferment du monde, et un peu de levain fait fermenter toute la pâte. C’est précisément pour cela que j’ai toujours prêché que toutes les âmes nous intéressent, cent âmes sur cent, sans discrimination d’aucune sorte, avec la conviction que Jésus-Christ nous a tous rachetés, et qu’il veut se servir d’un petit nombre, malgré notre nullité personnelle, pour faire connaître ce salut.

Jamais un disciple du Christ ne maltraitera quelqu’un. Il qualifie l’erreur d’erreur ; mais il doit corriger avec affection celui qui est dans l’erreur ; sinon, il ne pourra pas l’aider, il ne pourra pas le sanctifier. Il faut vivre avec les autres, il faut comprendre, il faut savoir excuser, il faut être fraternels. Et, comme le conseillait saint Jean de la Croix, il faut à tout moment mettre de l’amour là où il n’y a pas d’amour, pour en tirer de l’amour, même dans ces circonstances, apparemment peu importantes, que créent notre travail professionnel et nos relations familiales et sociales. Toi et moi nous profiterons ainsi des occasions qui se présenteront, y compris des plus banales, pour les sanctifier, nous sanctifier et sanctifier ceux qui partagent avec nous les mêmes efforts quotidiens, en ressentant dans notre vie le poids doux et attirant de la corédemption.

Un homme était propriétaire, et il planta une vigne ; il l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour ; puis il la loua à des vignerons et partit pour l’étranger.

J’aimerais que nous méditions les enseignements de cette parabole, du point de vue qui nous intéresse ici. La tradition a vu dans ce récit une image du destin du peuple élu de Dieu ; et elle nous a montré avant tout comment nous répondons par l’infidélité et le manque de reconnaissance à tant d’amour du Seigneur.

Je veux m’arrêter concrètement à ces mots : il partit pour l’étranger. J’en conclus tout de suite que les chrétiens ne doivent pas quitter la vigne où le Seigneur les a placés. Nous devons employer nos forces à cette tâche, dans les limites de cette clôture, travailler au pressoir et, une fois le travail quotidien terminé, nous reposer dans cette tour. Si nous nous laissions entraîner par la commodité, cela reviendrait à répondre au Christ : attention, mes années sont pour moi et non pour toi ! Je ne veux pas me décider à m’occuper de ta vigne.

Le Seigneur nous a offert la vie, les sens, les facultés, des grâces sans nombre ; nous n’avons pas le droit d’oublier que nous sommes des ouvriers, parmi tant d’autres, dans cette propriété où il nous a placés pour participer à l’effort d’apporter la nourriture aux autres. C’est là notre place : à l’intérieur de ces limites-là ; nous devons nous y dépenser quotidiennement avec Lui, en l’aidant dans son travail rédempteur.

Permettez-moi d’insister : ton temps pour toi ? Ton temps pour Dieu ! Il se peut que, par la miséricorde du Seigneur, cet égoïsme-là ne soit pas pour le moment entré dans ton âme. Je te parle pour le cas où ton cœur viendrait à flancher dans sa foi au Christ. Je te demande alors — Dieu te demande — d’être fidèle à ton effort, de maîtriser ton orgueil, d’assujettir ton imagination, de ne pas te permettre la légèreté de t’en aller, de déserter.

Ces ouvriers, au milieu de la place, avaient toute la journée en trop. Celui qui enfouit son talent dans la terre voulait tuer les heures ; celui qui devait s’occuper de la vigne s’en va ailleurs. Ils présentent tous un point commun : ils sont insensibles à la grande tâche que le Seigneur a confiée à chacun des chrétiens, tâche qui consiste à se considérer et à se comporter comme ses instruments pour coracheter avec lui l’humanité, celle de dépenser sa vie tout entière à se sacrifier joyeusement, en se vouant au bien des âmes.

Le figuier stérile

Voilà donc le fruit de notre prière d’aujourd’hui : nous convaincre que notre vie sur la terre est pour Dieu, en toutes circonstances et en toutes saisons, qu’elle est un trésor de gloire, une antichambre du Ciel ; qu’elle est entre nos mains une richesse que nous devons administrer avec sens des responsabilités face aux hommes et face à Dieu, sans qu’il nous faille pour autant changer d’état, au beau milieu de la rue, en sanctifiant notre profession ou notre métier, notre vie familiale, nos relations sociales, toute l’activité qui semble n’être que terrestre.

À vingt-six ans, lorsque j’ai découvert dans toute sa profondeur l’appel à servir le Seigneur dans l’Opus Dei, je lui demandais de toute mon âme de m’accorder quatre-vingts ans de gravité. Je demandais à mon Dieu ces années en plus, avec la naïveté enfantine du débutant, pour savoir utiliser mon temps, pour apprendre à profiter de chaque minute, à son service. Le Seigneur sait octroyer ces richesses-là. Sans doute toi et moi, nous arriverons un jour à dire : Plus que les anciens, j’ai l’intelligence, car tes préceptes, je les garde. La jeunesse n’est pas forcément l’insouciance, pas plus que les cheveux blancs n’entraînent obligatoirement prudence et sagesse.

Ayons recours ensemble à la Mère du Christ. Notre Mère, vous qui avez vu grandir Jésus, qui l’avez vu mettre à profit son passage parmi les hommes, apprenez-moi à employer mes journées au service de l’Église et des âmes ; apprenez-moi à écouter, au plus intime de mon cœur, comme un reproche affectueux, ô ma Douce Mère, chaque fois qu’il le faudra, que mon temps n’est point à moi, parce qu’il appartient à Notre Père qui est au cieux.

Je ne suis pas en train de t’amener à cesser d’accomplir tes devoirs ou de revendiquer tes droits. Au contraire, pour chacun de nous, habituellement, un repli sur ce front revient à une lâche désertion de la lutte pour devenir saints à laquelle Dieu nous a appelés. C’est pourquoi, en toute conscience, tu dois t’efforcer, spécialement dans ton travail, de faire en sorte que ni toi ni les tiens ne manquiez de ce qui convient pour vivre avec une dignité chrétienne. Si à un moment quelconque, tu éprouves dans ton propre corps le poids de l’indigence, ne t’attriste pas, ne te rebelle pas ; mais, j’insiste, essaie d’employer tous les moyens nobles pour surmonter cette situation, car agir d’une autre façon reviendrait à tenter Dieu. Et dans la lutte souviens-toi toujours de ceci : omnia in bonum ! Tout, y compris la pénurie, la pauvreté, coopère au bien de ceux qui aiment le Seigneur. Habitue-toi dès maintenant à affronter avec joie les petites limites, les incommodités, le froid, la chaleur, la privation de quelque chose qui te semble indispensable, le fait de ne pouvoir te reposer comme tu le voudrais et quand tu le voudrais, la faim, la solitude, l’ingratitude, l’incompréhension, le déshonneur…

Père… ne les ôte pas du monde

Nous sommes des hommes de la rue, des chrétiens courants, plongés dans le courant circulatoire de la société, et le Seigneur veut que nous soyons saints, apostoliques, précisément au milieu de notre travail professionnel, c’est-à-dire en nous sanctifiant dans cette tâche, en la sanctifiant et en aidant les autres à se sanctifier dans cette même tâche. Soyez convaincus que Dieu nous attend dans ce milieu avec une sollicitude de Père, d’Ami. Et pensez qu’en réalisant votre tâche professionnelle en toute responsabilité, non seulement vous subvenez à vos besoins financiers, mais vous rendez un service on ne peut plus direct au développement de la société, vous allégez aussi les charges des autres et vous aidez tant d’œuvres d’assistance, au niveau local et universel, en faveur des individus et des peuples moins favorisés.

Je vous délivrerai de la captivité, où que vous soyez. Nous nous délivrons de l’esclavage par la prière : nous nous savons libres, nous élevant comme dans un chant d’amour — épithalame d’une âme ardente — qui nous pousse à désirer ne pas nous écarter de Dieu. C’est une nouvelle façon de marcher sur terre, une façon divine, surnaturelle et merveilleuse. Nous rappelant bien des écrivains espagnols du seizième siècle, peut-être voudrons-nous goûter nous aussi la saveur de ces mots : Je vis parce que je ne vis pas : c’est le Christ qui vit en moi !

Nous acceptons avec joie la nécessité de travailler dans ce monde de nombreuses années durant, parce que Jésus a bien peu d’amis ici-bas. Ne refusons pas l’obligation de vivre, de nous dépenser jusqu’au bout au service de Dieu et de l’Église. Et cela en toute liberté : In libertatem gloriæ filiorum Dei, qua libertate Christus nos liberavit ; avec la liberté des enfants de Dieu, que Jésus-Christ nous a gagnée en mourant sur le bois de la Croix.

Ascétique ? Mystique ? Je ne saurais le dire. Que ce soit de l’ascétique ou de la mystique, qu’est-ce que cela peut bien faire ? C’est une faveur de Dieu. Si tu t’efforces de méditer, le Seigneur ne te refusera pas son assistance. Foi et œuvres de foi : des œuvres, parce que le Seigneur — tu as pu le constater depuis le début et je l’ai souligné en son temps — est de plus en plus exigeant. C’est déjà de la contemplation et c’est l’union : telle doit être la vie de beaucoup de chrétiens, bien qu’ils ne s’en soient même pas rendu compte, chacun parcourant son propre chemin spirituel, il y en a une infinité, au milieu des occupations du monde.

Une prière et une conduite qui ne nous écartent pas de nos activités habituelles, qui nous conduisent au Seigneur à travers ces nobles préoccupations terrestres. En élevant toute cette activité vers le Seigneur, la créature divinise le monde. J’ai parlé souvent du mythe du roi Midas qui convertissait en or tout ce qu’il touchait. Malgré nos erreurs personnelles, nous pouvons convertir tout ce que nous touchons en or de mérites surnaturels.

Je tiens à affirmer de nouveau que je ne parle pas d’une façon extraordinaire de vivre en chrétien. Que chacun de nous médite ce que Dieu a fait pour lui et la façon dont il y a répondu. Si nous sommes courageux dans cet examen personnel, nous verrons ce qui nous manque encore. Je me suis ému hier en écoutant un catéchumène japonais raconter qu’il enseignait le catéchisme à des gens qui ne connaissaient pas encore le Christ. Et j’ai eu honte. Nous avons besoin de davantage de foi, de davantage de foi. Et, avec la foi, de contemplation.

Revenez lentement sur cet appel divin qui remplit l’âme d’inquiétude et lui apporte en même temps la douceur du miel : Redemi te, et vocavi te nomine tuo : meus es tu ; je t’ai racheté et je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi ! Ne volons pas à Dieu ce qui lui appartient. Un Dieu qui nous a aimés jusqu’au point de mourir pour nous, qui nous a choisis de toute éternité, avant la création du monde, pour que nous soyons saints en sa présence ; et qui nous offre continuellement l’occasion de nous purifier et de nous donner à lui.

Et si nous avions encore quelque doute, nous recevons de ses lèvres une autre preuve : Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai institués pour que vous alliez et que vous portiez du fruit et que demeure ce fruit de votre travail d’âmes contemplatives.

Foi, foi surnaturelle, par conséquent. Quand la foi faiblit, l’homme tend à s’imaginer Dieu comme s’il était lointain, comme s’il se préoccupait à peine de ses enfants. Il voit dans la religion quelque chose de surajouté, pour les cas où il n’y a plus rien à faire ; il attend sans trop savoir pourquoi des manifestations grandioses, des événements insolites. En revanche quand l’âme vit de foi, elle découvre que le chemin du chrétien ne l’éloigne pas de la vie humaine courante et habituelle. Et que cette grande sainteté, que Dieu nous demande, réside, ici et maintenant, dans les petites choses de chaque jour.

J’aime parler de chemin, parce que nous sommes des voyageurs, en route vers la maison du Ciel, vers notre Patrie. Mais souvenez-vous qu’un chemin, même s’il comporte des passages plus difficiles, même s’il nous oblige parfois à passer une rivière à gué ou à traverser un petit bois presque impénétrable, est le plus souvent tout ce qu’il y a de plus courant et sans surprises. La routine, voilà le danger : imaginer que Dieu ne se trouve pas là, dans l’activité de chaque instant, parce qu’elle est tellement simple, tellement ordinaire !

Les deux disciples se rendirent à Emmaüs. Leur allure était normale, comme celle de tant d’autres personnes qui passaient dans ces parages. Et c’est là, avec naturel, que Jésus leur apparaît et qu’il marche avec eux, engageant une conversation qui leur fait oublier leur fatigue. J’imagine la scène, la soirée déjà bien avancée. Une douce brise souffle. Autour d’eux, des champs semés de blé déjà levé, et les vieux oliviers aux branches argentées sous la faible lumière.

Jésus sur le chemin. Seigneur, tu es toujours grand ! Mais tu m’émeus quand tu condescends à nous suivre, à nous chercher dans notre va-et-vient quotidien. Seigneur, accorde-nous la simplicité d’esprit ; donne-nous un regard pur, une intelligence claire pour pouvoir te comprendre lorsque tu viens sans aucune marque extérieure de ta gloire.

À leur arrivée au bourg, le trajet s’achève et les deux disciples qui, sans s’en rendre compte, ont été blessés au plus profond de leur cœur par la parole et par l’amour de Dieu fait homme, regrettent qu’il s’en aille. Car Jésus prend congé d’eux en faisant semblant d’aller plus loin. Il ne s’impose jamais, notre Seigneur. Une fois que nous avons entrevu la pureté de l’Amour qu’il a mis dans notre âme, il veut que nous l’appelions librement. Nous devons le retenir de force et le prier : reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme, il commence à faire nuit.

Nous sommes ainsi : toujours peu audacieux, par manque de sincérité peut-être, ou par pudeur. Nous pensons au fond : reste avec nous, parce que les ténèbres entourent notre âme, et toi seul es la lumière, toi seul peux calmer cette soif qui nous consume. Parce que nous n’ignorons pas quelle est la première parmi toutes les choses belles et honnêtes : toujours posséder Dieu.

Et Jésus reste avec nous. Nos yeux s’ouvrent comme ceux de Cléophas et de son compagnon, quand le Christ rompt le pain ; et bien qu’il disparaisse à nouveau de notre vue, nous serons nous aussi capables de nous remettre en route — il commence à faire nuit —, pour parler de lui aux autres, parce qu’autant de joie ne tient pas dans un seul cœur.

Chemin d’Emmaüs. Notre Dieu a rempli ce nom de douceur. Et Emmaüs, c’est le monde entier, parce que le Seigneur a ouvert les chemins divins de la terre.

Avec les saints anges

Références à la Sainte Écriture
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