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7 points de « Amis de Dieu » sont liés à la thématique Jésus-Christ → exemple de prudence et de force.

Nous lisons dans le passage de l’Évangile de saint Matthieu que nous rapporte la Messe d’aujourd’hui : tunc abeuntes pharisei consilium inierunt ut caperent eum in sermone ; alors les pharisiens allèrent se concerter en vue de surprendre Jésus dans ses paroles. N’oubliez pas que ce procédé hypocrite est aujourd’hui encore pratique courante ; je pense que la mauvaise graine des pharisiens ne disparaîtra jamais du monde : elle a toujours été prodigieusement féconde. Peut-être le Seigneur tolère-t-il qu’elle pousse afin que nous, ses enfants, nous devenions prudents ; car la prudence est indispensable pour quiconque se trouve amené à donner un avis, à fortifier, à corriger, à enflammer, à stimuler. C’est précisément ainsi, comme apôtre, en profitant des circonstances inhérentes à ses occupations quotidiennes, que tout chrétien doit agir envers ceux qui l’entourent.

J’élève maintenant mon âme vers Dieu, et je lui adresse une prière, par l’intercession de la très Sainte Vierge, de celle qui est à la fois dans l’Église et au-dessus de l’Église : entre le Christ et l’Église, pour protéger, pour régner, pour être la Mère des hommes, tout comme elle est la Mère de notre Seigneur Jésus-Christ ; je lui adresse donc cette prière : accorde-nous cette prudence, et plus parti­culièrement à ceux d’entre nous qui, engagés dans le courant circulatoire de la société, désirent travailler pour Dieu. Nous avons absolument besoin d’apprendre à être prudents.

La scène de l’Évangile se poursuit : Alors ils lui envoient leurs disciples — du parti des pharisiens — accompagnés des hérodiens pour lui dire : « Maître. » Voyez avec quelle perversité ils l’appellent Maître ; ils simulent l’admiration et l’amitié ; ils lui accordent le traitement réservé à l’autorité dont on attend un enseignement. Magister, scimus quia verax es, nous savons que tu es franc… Y a-t-il ruse plus infâme ? Avez-vous déjà rencontré plus grande duplicité ? Parcourez donc ce monde avec précaution. Ne soyez point rusés ni méfiants. Mais vous souvenant de l’image du Bon Pasteur que l’on voit dans les catacombes, vous devez sentir sur vos épaules le poids de cette brebis, qui n’est pas une âme isolée, mais l’Église tout entière, l’humanité tout entière.

En acceptant de bon cœur cette responsabilité, vous serez audacieux et prudents pour défendre et proclamer les droits de Dieu. Alors l’intégrité de votre comportement en amènera beaucoup à vous considérer et à vous appeler maître, sans que vous prétendiez à ce titre (la gloire terrestre n’est pas notre but). Ne vous étonnez pas pourtant si, parmi ceux qui s’approchent de vous, certains se glissent, qui ne pensent qu’à vous aduler. Imprimez dans votre cœur ce que vous m’avez maintes fois entendu répéter : ni les calomnies, ni les médisances, ni le respect humain, ni le qu’en dira-t-on, et bien moins encore les flatteries hypocrites, ne doivent jamais nous empêcher d’accomplir notre devoir.

Vous souvenez-vous de la parabole du bon Samaritain ? L’homme est resté allongé au bord du chemin, grièvement blessé par les voleurs qui lui ont dérobé jusqu’à son dernier sou. Un prêtre de l’ancienne Loi vient à passer par là ; puis, peu après, un lévite. Tous deux poursuivent leur route sans se soucier de lui. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut touché de compassion. Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le conduisit à l’hôtellerie et prit soin de lui. Remarquez que le Seigneur ne propose pas cet exemple seulement à quelques âmes d’élite, car il ajoute immédiatement, répondant à celui qui l’avait interrogé — à chacun de nous : Va, et toi aussi, fais de même.

C’est pourquoi, lorsque nous remarquons dans notre vie personnelle ou dans celle des autres quelque chose qui ne va pas, quelque chose qui requiert le secours spirituel et humain que nous, les enfants de Dieu, nous pouvons et devons apporter, une manifestation claire de prudence consistera à appliquer le remède opportun, pleinement, avec charité et avec fermeté, avec sincérité. Il n’y a pas de place pour les inhibitions. Il est faux de penser que les problèmes se résolvent à force d’omissions ou de retards.

La prudence veut que, chaque fois que la situation l’exigera, on ait recours au remède, entièrement et sans palliatif, après avoir mis la plaie à nu. Dès que vous remarquez les moindres symptômes du mal, soyez simples, francs, aussi bien si vous devez soigner que si vous devez vous-mêmes être secourus. Dans ces cas-là, il faut laisser celui qui est en mesure de guérir au nom de Dieu presser la plaie, de loin, puis de plus en plus près, jusqu’à ce que tout le pus en sorte, afin que le foyer d’infection finisse par être parfaitement propre. Nous devons agir de la sorte, en premier lieu envers nous-mêmes, et aussi envers ceux que nous avons l’obligation d’aider, pour des raisons de justice ou de charité : je prie particulièrement pour les pères et les mères de famille et pour ceux qui se consacrent à des tâches de formation et d’enseignement.

Le respect humain

Qu’aucune raison hypocrite ne vous arrête : ayez recours au remède sans atténuation. Mais agissez d’une main maternelle, avec la délicatesse infinie que notre mère mettait à soigner les grandes ou petites blessures de nos jeux et de nos chutes enfantines. S’il faut attendre quelques heures, on attend ; mais jamais plus longtemps que cela n’est indispensable ; toute autre attitude supposerait de la commodité, de la lâcheté, toutes choses bien opposées à la prudence. Bannissez tous la crainte de désinfecter la plaie, et surtout vous qui avez la charge de former les autres.

Il se peut que, par ruse, quelqu’un insinue à l’oreille de ceux qui doivent soigner, et qui ne se décident pas à affronter leur mission ou ne veulent pas le faire : Maître, nous savons que tu es franc… Ne tolérez pas cet éloge ironique ; ceux qui ne s’efforcent pas de mener à bien leur tâche avec diligence, ne sont pas des maîtres, car ils n’enseignent pas le véritable chemin ; ils ne sont pas davantage véridiques car, par leur fausse prudence, ils surestiment ou méprisent des normes claires, abondamment éprouvés par une conduite droite, autant que par l’âge, la science du gouvernement, la connaissance de la faiblesse humaine et l’amour porté à chaque brebis, autant de raisons qui incitent à parler, à intervenir, à manifester son intérêt pour les autres.

Les faux maîtres sont dominés par la peur d’aller jusqu’au bout de la vérité ; ils se troublent à la seule idée — obligation — de devoir recourir, en certaines circonstances, à un antidote douloureux. Une telle attitude, soyez-en convaincus, ne comporte ni prudence, ni piété, ni sagesse ; elle trahit au contraire la pusillanimité, l’absence de responsabilité, la folie, la sottise. Elle est le fait de ceux-là qui, par la suite, pris de panique à la vue du désastre, prétendent juguler le mal quand il est déjà trop tard. Ils oublient que la vertu de prudence exige de prendre et de transmettre à temps le conseil spirituel de la maturité, de la vielle expérience, de la vue claire, de la langue bien déliée.

Poursuivons le récit de saint Matthieu : Nous savons que tu es franc et que tu enseignes la voie de Dieu avec franchise. Pareil cynisme m’étonne toujours. Ils viennent dans l’intention de déformer les paroles de Jésus notre Seigneur et de le prendre en défaut et, au lieu d’exposer simplement ce qu’ils considéraient comme un problème insoluble, ils tentent d’étourdir le Maître par des louanges qui ne devraient provenir que de lèvres amies et de cœurs droits. Je m’arrête à dessein à ces nuances, pour que nous apprenions à être non pas méfiants, mais prudents ; pour que nous refusions la ruse de la simulation, quand bien même elle apparaîtrait revêtue de phrases ou de gestes qui correspondent à la réalité, comme dans le passage que nous méditons : tu ne regardes pas au rang des personnes, lui disent-ils : tu es venu pour tous les hommes ; rien ne peut t’empêcher de proclamer la vérité ni d’enseigner le bien.

Je vous le répète : prudence oui, méfiance non. Accordez à tous la confiance la plus absolue, soyez très nobles. Pour ma part, la parole d’un chrétien, d’un homme loyal — parce que j’ai une confiance totale en lui —compte plus que la signature authentique de cent notaires unanimes, même si le fait de suivre cette norme de conduite a pu avoir pour conséquence que l’on m’a trompé parfois. Je préfère courir le risque qu’un indélicat abuse de cette confiance, plutôt que d’ôter à quelqu’un le crédit qu’il mérite comme personne et comme enfant de Dieu. Je vous assure que je n’ai jamais été déçu par les résultats en agissant de cette façon.

Agir avec droiture

Et viam Dei in veritate doces ; enseigner, enseigner, enseigner : montrer les chemins de Dieu conformément à la pure vérité. Tu ne dois point t’effrayer si l’on découvre tes défauts, les tiens et les miens ; j’ai envie de les rendre publics, en racontant ma lutte personnelle, mon désir de rectifier tel ou tel point du combat que je mène pour être loyal envers le Seigneur. L’effort que nous fournissons pour bannir et vaincre ces misères sera déjà une façon de baliser les sentiers divins : d’abord et malgré nos erreurs visibles, par le témoignage de notre vie ; ensuite, par la doctrine, à l’image de notre Seigneur, qui cœpit facere et docere, qui commença par les œuvres, pour se consacrer plus tard à la prédication.

Après vous avoir affirmé que le prêtre qui vous parle vous aime beaucoup et que le Père du Ciel vous aime plus encore, car il est infiniment bon, infiniment Père ; après vous avoir montré que je ne peux rien vous reprocher, je considère néanmoins qu’il est de mon devoir de vous aider à aimer Jésus-Christ et l’Église, son troupeau. En effet, je pense que vous ne me surpasserez pas en ce domaine ; vous rivalisez avec moi, mais vous ne me surpassez pas. Quand je relève une erreur au cours de ma prédication ou dans les conversations personnelles que j’ai avec chacun, je ne cherche pas à faire souffrir, seul m’anime le désir que nous aimions davantage le Seigneur. Et si je vous rappelle avec insistance la nécessité de pratiquer les vertus, je n’oublie pas que ce besoin est tout aussi urgent pour moi.

Relisons attentivement notre scène de l’Évangile, afin de tirer profit de ses merveilleuses leçons quant aux vertus qui doivent éclairer notre conduite. Après leur préambule hypocrite et flatteur, les pharisiens et les hérodiens exposent leur problème : Donne-nous donc ton avis : est-il permis ou non de payer l’impôt à César ? « Remarquez maintenant, écrit saint Jean Chrysostome, leur grande perversité ; en effet, ils ne lui disent pas : explique nous ce qui est bon, raisonnable, licite ; mais : dis-nous ce que tu en penses. Ils n’avaient qu’une obsession : le prendre en défaut et le rendre odieux au pouvoir politique. » Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : « Hypocrites, pourquoi me tendez-vous un piège ? Faites-moi voir l’argent de l’impôt. » Ils lui présentèrent un denier. Et il leur dit : « De qui est l’effigie que voici ? et la légende ? » « De César », répondirent-ils. Alors il leur dit : « Rendez-donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Le dilemme, vous le voyez, n’est pas nouveau, et la réponse du Maître est claire et nette. Il n’y a pas, il n’existe pas, d’opposition entre le service de Dieu et le service des hommes ; entre l’exercice de nos devoirs et de nos droits civiques et celui des nos devoirs et de nos droits religieux ; entre l’effort pour construire et perfectionner la cité temporelle et la certitude que nous traversons ce monde comme sur un chemin qui nous conduit à la patrie céleste.

Ici encore se manifeste cette unité de vie qui, je ne me lasserai pas de le répéter, est une condition essentielle pour ceux qui s’efforcent de se sanctifier au milieu des circonstances ordinaires de leur travail, de leurs relations familiales et sociales. Jésus n’admet pas cette division : Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Le choix exclusif de Dieu que fait un chrétien en répondant pleinement à son appel, le pousse à tout orienter vers le Seigneur et, en même temps, à donner à son prochain ce qui lui revient en toute justice.

Références à la Sainte Écriture
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